Une très très longue retraite

03 février 2021
Burd Sisler.
Douanier de carrière et vétéran de la Seconde Guerre mondiale, Burd Sisler a été à la retraite plus longtemps qu’il n’a travaillé.
 

Né pendant la Première Guerre mondiale, Burd Sisler a combattu à la Seconde.

Il a survécu à la pandémie de la grippe en 1918 et, plus de 100 ans plus tard, jouit toujours d’une bonne santé, malgré la COVID-19.À la retraite depuis 41 ans, il a travaillé pour le gouvernement fédéral pendant 27 ans au poste de douanes du pont Peace Bridge qui relie Fort Erie, en Ontario, à Buffalo, dans l’État de New York.

« Je suis à la retraite depuis plus longtemps que je n’ai travaillé », s’esclaffe Burd, un centenaire de 105 ans svelte et à la voix douce.

De chez lui, à Fort Erie, on devine le pontet, tout près, le fort de la Guerre de 1812.

En 1943, il s’enrôle dans l’armée à l’âge de 48 ans, laissant derrière lui Mae, son épouse aujourd’hui décédée, et leur unique enfant (ils en auront cinq, éventuellement). Il voulait se joindre aux Forces aériennes, mais sa vue l’en a empêché.

« Ma perception de la profondeur était imparfaite et on craignait de perdre les avions à l’atterrissage », lance-t-il en blaguant.

Burd s’enrôle donc dans l’armée et devient membre d’une équipe qui, du Canada, opère des prédicteurs, un système de défense antiaérienne automatisé utilisant la vélocité, la vitesse et l’humidité du vent pour repérer les bombardiers ennemis. Par la suite, on l’a muté aux radars, un nouveau secteur à l’époque.Il sort indemne de la guerre, mais son frère Louis n’aura pas cette chance, car une mine terrestre lui fera perdre une jambe, tuant du même coup un soldat canadien.

« C’est comme si un ange gardien veillait sur moi », confie Burd. « Je suis revenu à Fort Erie et n’en suis jamais reparti. »

Par la suite, il sera copropriétaire d’un commerce de réparations d’appareils radio et de téléviseurs pendant quatre ans, avant d’entrer au Service des douanes et de l’accise en 1952.

« C’était un travail stable, mais peu payant, juste 1 800 $ par année », mentionne-t-il.

Son fils Norm, qui assiste à notre entrevue, a pris sa retraite après une carrière de 32 ans au Service des douanes et de l’accise lui aussi. Comme son père, il est retraité du gouvernement fédéral. Il s’amuse du salaire que recevait ce dernier à ses débuts : « Nos augmentations représentaient 1 800 $ par an »,  dit-il.

Le travail de Burd consistait surtout à étudier des dossiers, installé comme un comptable dans ce qu’il appelait « la pièce tout en long ». Il devait aussi faire des inspections sur le terrain.

« J’ai rencontré beaucoup de gens intéressants. Un jour, un homme est arrivé en voiture et je lui ai dit : "Bonjour Monsieur Untel!" — J’ai oublié son nom. Il m’a regardé et m’a lancé : "Comment savez-vous mon nom?" J’ai rétorqué : "Je suis douanier et je dois en savoir beaucoup sur pas mal de gens." Je ne lui ai jamais avoué que j’avais vu son nom sur une valise déposée sur le siège  arrière. »

Au moment de prendre sa retraite en 1979, Burd était évaluateur. À l’époque, le Service du revenu et de l’accise avait été scindé en deux agences distinctes.

«nbsp;C’est une des raisons pour lesquelles je voulais quitter mon poste », se souvient M. Sisler, ajoutant que les postes d’évaluateurs avaient été regroupés à Hamilton, à quelque 90 kilomètres de chez lui.

« On m’a demandé de porter une arme à feu et, pour moi, c’était hors de question. Nous avons formé un groupe qui a refusé de le faire. »

C’est alors le moment de l’incontournable question : quel est le secret de sa santé et de sa longévité?

« Je ne sais pas », répond-il, amusé. « J’essaie d’éviter les idées noires. Je n’ai jamais fumé, ça, c’est le plus important. À aucun moment. »

Après avoir cessé de travailler, il s’est inscrit à des clubs de sciences et de lecture. Il a enseigné pour le Conseil de littératie aux adultes et, jusqu’à tout récemment, il jouait aux quilles régulièrement. Par ailleurs, il possède une boîte pleine de poèmes qu’il a composés à l’intention de chacun de ses 35 petits-enfants.

« C’est son intellect », affirme Norm. « Il est alerte et il utilise souvent l’ordinateur. Ça aiguise ses facultés. J’y crois vraiment. » Puis, après un moment de réflexion, il conclut : «  Et il aime manger. »

Rédacteur établi à Fort Erie, en Ontario, Gord Howard a été journaliste et rédacteur en chef pendant 35 ans.

 

Cet article a été publié dans le numéro de l'hiver 2020 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?