Ardith Bennett a épousé son deuxième mari après les 60 ans de ce dernier. Après son décès, elle a perdu ses prestations de santé. Photo : Jana Chytilova
L’élimination de la clause du « mariage après 60 ans » de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes était une promesse électorale en 2015, mais elle demeure lettre morte.
Surnommée « clause du mariage intéressé », elle stipule qu’une personne qui épouse un vétéran de 60 ans et plus ne reçoit pas automatiquement de pension de survivant, équivalant à la moitié des prestations de pension du vétéran, s’il décède en premier. Si le mariage a lieu alors que le vétéran a 59 ans, elle serait admissible.
Les prestations médicales et dentaires dont une conjointe bénéficierait s'envolent aussi lorsque le vétéran décède, si le mariage a lieu après ses 60 ans. Pour Ardith Bennett, dont c'est le cas, ce fut une mauvaise nouvelle. Pour simplifier la paperasse, elle avait souscrit au régime de soins de santé de son mari Dan. Au décès de Dan, elle a perdu ses prestations de santé.
« J'ignorais que sa couverture avait pris fin », dit-elle. « Si vous saviez le nombre d’appels que j’ai faits [à Anciens Combattants]. Personne ne pouvait le croire. »
Les vétérans qui se marient après 60 ans peuvent reporter une portion de leur pension pour subvenir aux besoins d’une conjointe, alors que c'est automatique pour ceux qui se marient à 59 ans ou moins.
Adoptée au début des années 1900 pour empêcher des femmes d’épouser des vétérans sur leur lit de mort afin de toucher leur pension, cette loi aurait pu être modifiée en 2015, après une promesse électorale du parti libéral. L’élimination de cette clause était mentionnée dans les lettres de mandat de plusieurs ministres d'Anciens Combattants Canada (ACC), mais ce n’est qu’en 2019 que le budget a promis d’octroyer 150 millions de dollars sur cinq ans à ACC pour établir un fonds pour les survivants touchés et s’assurer qu’ils obtiennent le soutien dont ils ont besoin. Cela devait commencer en 2019 ou en 2020, mais rien ne s’est passé.
« Au cours des 25 dernières années, nous nous sommes vraiment approchés d’une solution, puis le gouvernement a changé », explique Brian Forbes, président du Conseil national des associations d’anciens combattants du Canada et du Conseil exécutif des Amputés de guerre. « Il est difficile de croire qu’il existe un tel programme au Canada. Ma seule conclusion que les faiseurs d’additions ne veulent pas s’y mettre. C’est toutefois une question d’équité.v»
M. Forbes croit que le fonds pour les survivants « n’est qu’un coup d’épée dans l’eau » pour résoudre le problème.
« Il n’y a aucun renseignement ni critère d’admissibilité. Ils y ont consacré de l’argent, mais ce n’est pas ce que nous avions demandé », précise-t-il.
Joe Blanchard, président national de l’Association canadienne des pensionnés et rentiers militaires, veut également des réponses.
« [Je vais] écrire une autre lettre aux ministres de la Défense nationale et des Anciens Combattants en soulignant l’inaction et ce qu’ils devraient faire avec le fonds », déclare M. Blanchard.
Retraités fédéraux milite également pour qu’on apporte des changements.
« Il s’agit d’une promesse faite aux vétérans lors des élections en 2015 et en 2019 et qui n’a pas été réalisée », souligne le président de l’Association, Jean-Guy Soulière. « L’enjeu touche également la fonction publique fédérale et la GRC. Cette iniquité existe toujours dans tous les régimes du secteur public fédéral. En 2021, il faut mieux tenir compte des relations entre aînés. »
Dans une réponse par courriel, ACC a indiqué avoir demandé à l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans de consulter les survivants, pour mieux comprendre le soutien financier dont ils ont besoin. Il comptait utiliser les résultats pour définir les étapes suivantes au cours des « prochains mois ».
Dans l’intervalle, les Forces armées canadiennes ont indiqué que tout changement à la Loi doit être fait par le Parlement.