La prescription sociale est le remède à la solitude et à l’isolement social du système de soins de santé. N’est-ce pas le meilleur moment de l’envisager?
En avril, lorsque cet article a été rédigé, le monde faisait face à la pandémie de COVID-19.
Nos gouvernements imposaient diverses mesures pour ralentir la propagation de la maladie, y compris nous demander de limiter nos sorties à l’extérieur de la maison et de pratiquer la distanciation physique. Il semble paradoxal d’écrire un article sur la prescription sociale, dans le cadre de laquelle des fournisseurs de soins de santé recommandent des activités communautaires non cliniques à leurs patients pour améliorer leur santé et leur bien-être, au moment où l’on nous demande de rester à la maison.
Cependant, l’auto-isolement et la distanciation physique présentent des défis relatifs à la santé mentale pour plusieurs, dont la solitude et l’isolement social. Rester en contact est au coeur de la prescription sociale et maintenant, plus que jamais, nous devons maintenir nos liens avec nos réseaux et collectivités, même si cela signifie que nous devons adapter comment nous le faisons.
Le rôle de la prescription sociale
La prescription sociale est de plus en plus perçue comme l’étape suivante dans l’amélioration des systèmes de santé partout dans le monde et de leur intégration, car elle offre un parcours fondé sur des données probantes vers de meilleurs services sociaux et de santé coordonnés. Elle reconnaît que la santé d’une personne est déterminée par un éventail de facteurs sociaux, économiques et environnementaux. Le revenu, l’éducation, le logement, la nutrition, les relations et la confiance en soi sont seulement quelques-uns de ces facteurs, aussi appelés des déterminants sociaux de la santé, qui jouent un rôle vital dans le bien-être physique, mental et social d’une personne. La recherche indique qu’entre 80 % à 90 % des résultats en matière de santé d’une personne découlent des déterminants sociaux de la santé.
La prescription sociale permet au système de santé de voir et de traiter des patients d’une manière holistique plutôt que de se concentrer seulement sur leur diagnostic médical. Elle offre une façon non clinique d’améliorer la santé et le bien-être des gens, tout en leur permettant d’avoir un meilleur contrôle sur leur santé. La prescription sociale complète les traitements cliniques et permet aux fournisseurs de soins de santé de recommander des activités, comme des cours de cuisine et de danse, du bénévolat ou des groupes de soutien par les pairs, à leurs patients pour améliorer leur bien-être, grâce à une augmentation de l’activité physique, à une alimentation plus saine et à de meilleurs contacts sociaux.
Le problème de la solitude et de l’isolement social du Canada
Au cours des dernières années, la recherche a déterminé que les contacts sociaux jouent un rôle crucial pour assurer la santé physique et mentale. La solitude et l’isolement social sont vraiment néfastes et sont de plus en plus considérés comme d’importantes menaces pour la santé. En 2017, le médecin hygiéniste en chef de l’Ontario a noté dans son rapport annuel que « les gens qui ont un faible sentiment d’appartenance à la collectivité sont plus susceptibles de faire partie de la tranche supérieure de 5 % des plus grands usagers des services de santé; ces 5 % comptent pour plus de 50 % des dépenses totales en soins de santé... un coût qui pourrait être réduit si ces personnes faisaient partie de collectivités unies. » De nombreux autres représentants de la santé au pays sont du même avis.
Compte tenu de la mesure dans laquelle notre société est devenue détachée, c’est préoccupant. Un rapport d’Angus Reid de 2019 a découvert que le tiers des Canadiens se sentent seuls, et qu’environ 23 % d’entre eux, soit près de neuf millions, sont socialement isolés. De ces neuf millions de personnes, moins de la moitié estiment avoir un lien avec leur collectivité et environ une sur 10 est « très satisfaite » de sa vie. Les membres de ce groupe sont notamment plus susceptibles d’avoir de plus faibles revenus et d’avoir fait des études secondaires, voire de niveau inférieur. Ils sont davantage prédisposés à être célibataires ou à vivre seuls et à faire partie d’un groupe minoritaire. Même parmi les Canadiens qui sont modérément en contact avec leur collectivité, près de 66 % d’entre eux aimeraient passer plus de temps avec leur famille et leurs amis et seulement un tiers est « très satisfait » de sa vie.
Instaurer la prescription sociale au Canada
Il existe plusieurs modèles de prescription sociale, mais la plupart comportent un prestataire de soins de santé qui recommande un patient à un navigateur, souvent appelé un intermédiaire, qui « remplit » la prescription en travaillant avec la personne pour la relier aux soutiens les plus appropriés dans la collectivité.
Rx : Communauté, le premier programme pilote de prescription sociale au Canada, a été lancé en Ontario en mai 2018, utilisant 11 des centres de santé communautaires de la province, et s’est déroulé jusqu’en décembre 2019. Les résultats du programme pilote, qui ont été décrits dans un rapport publié en mars 2020, démontrent que les participants ont constaté une amélioration de leur santé mentale, une diminution de leur solitude, et un sentiment accru d’attachement et d’appartenance. Les fournisseurs de soins de santé ont constaté un accroissement du bien-être de leurs patients et qu’ils étaient plus en mesure de les relier à des mesures de soutien social, grâce à la présence d’intermédiaires qui ont permis de mieux intégrer ces derniers aux soins cliniques.
Le programme pilote confirme ce que de nombreux professionnels des domaines des services sociaux et de santé savent intuitivement : les gens sont en meilleure santé lorsqu’ils sont en contact avec des groupes de soutien communautaire et des groupes sociaux, et qu’ils sont habilités à jouer un rôle significatif dans leur propre santé et dans le bien-être de leur collectivité.