Lorsque la pandémie a frappé, Sheryl et Larry Busser avaient perdu deux de leurs trois chiens et n’avaient plus que Gainer, le terrier Jack Russell dans les bras de Larry. Comme ils voulaient un compagnon pour redonner de l’entrain à Gainer, qui est âgé de 13 ans, ils ont adopté Greta, la teckel d’un an dans les bras de Sheryl. Photo : Liam Richards
Sheryl Busser admet fièrement avoir une vie de... chien.
Au fil des ans, ses toutous, son mari et elle ont voyagé de l’île de Vancouver à Terre-Neuve, au Yukon, en Alaska et aux États-Unis, et même sur le Las Vegas Strip. Depuis la fin de sa carrière au Service correctionnel du Canada, où elle travaillait comme adjointe administrative, plus d’une personne lui a demandé pourquoi elle s’embarrassait de chiens à la retraite. Mais Mme Busser et son mari, Larry, qui sont membres de l’Association nationale des retraités fédéraux depuis 2014, n’ont guère l’impression d’être tenus en laisse. En fait, ils ne peuvent pas imaginer une vie sans leurs fidèles compagnons de voyage.
Il y a quatre ans, ils ont perdu leur teckel adorée, Dora et, deux ans plus tard, leur Jack Russell Lacy. Leur petite meute a été réduite à Gainer, un Jack Russel de 13 ans.
Sans autres compagnons canins, Gainer a commencé à se comporter comme un vieux chien et la maison des Busser, à Prince Albert en Saskatchewan, leur semblait vide. À l’été 2020, alors qu’ils passaient plus de temps à la maison et en camping, le mari de Mme Busser a suggéré que le moment pourrait être propice à l’adoption d’un nouveau compagnon, pour redonner de l’entrain à Gainer.
« Nous restions à la maison si souvent avec la pandémie, constamment au début. Notre voisin d’en face a eu un nouveau chien. Puis notre fille, qui vit en Irlande, a eu un chien. De fil en aiguille, j’ai cédé. »
Mme Busser a émis des réserves, se demandant si elle avait le temps de jongler avec un chiot et des petits-enfants.
« Je me disais que nous en reviendrions à la case départ avec l’apprentissage de la propreté, le mordillage et les sorties au milieu de la nuit. Comme lorsque les enfants ont cinq ans et que vous décidez d’en avoir un autre », dit-elle.
Elle s’inquiétait aussi de la réaction de Gainer.
« Les Jack Russell sont des petits chiens intelligents et particuliers. Je pensais qu’un chiot pourrait l’agacer, car il a été chef de la meute pendant un bout de temps. C’était ma plus grande inquiétude ». Elle a fini par céder et Greta, une teckel d’un an, est arrivée à la maison.
« Après avoir été un peu déconcerté au début, Gainer adore Greta, maintenant », ajoute Mme Busser. Ils jouent ensemble, ils dorment ensemble. Ils sont devenus de grands amis. Greta est espiègle et a vraiment redonné de la vigueur à Gainer. C’est comme avoir un nouvel enfant à la maison. »
À Miramichi, au Nouveau-Brunswick, le mari d’Ann Rendell est également l’instigateur de l’arrivée d’un nouveau compagnon à quatre pattes, même après s’être juré pendant des années de ne jamais avoir d’autre chien après avoir perdu Chase, leur Sheprador.
« Cela a duré jusqu’à l’année où nous avons décidé que cela ne fonctionnait pas », explique Mme Rendell. « Nous restions à la maison si souvent avec la pandémie, constamment au début. Notre voisin d’en face a eu un nouveau chien. Puis notre fille, qui vit en Irlande, a eu un chien. De fil en aiguille, j’ai cédé. »
Lors de la dernière fête du Canada, Trixie, leur troisième bergère des Shetlands, est entrée dans la famille. Ce n’était plus une jeunesse, par contre. Au contraire, elle en avait fini avec la reproduction et était heureuse de laisser la maternité et ses responsabilités derrière elle.
« Elle est retraitée, comme nous », dit Mme Rendell, une membre de Retraités fédéraux qui a travaillé pendant 25 ans comme intervieweuse pour Statistique Canada et a pris sa retraite à 73 ans. « Nous avons fini par décider de chercher un chien plus âgé. Étant septuagénaires, nous n’étions pas sûrs de pouvoir élever un chiot énergique. Nous préférions en avoir un plus près de nos propres niveaux d’énergie, et c’est elle. Elle convient à notre style de vie. »
Pour Trixie, le comble du bonheur est d’être lovée contre ses maîtres ou de les accompagner sur leur propriété au bord de la rivière Miramichi. Elle a tout de même de petites excentricités. Les machines lui font peur et elle les avertit, en aboyant. Bella, la chatte normalement placide, fait également fuir Trixie dans la direction opposée.
« On dirait qu’elle a vécu dans un couvent pendant 20 ans et qu’on vient de la laisser sortir », s’esclaffe Mme Rendell. « Trixie observe le vaste monde, sans bouger. Elle ne sait pas jouer. Si vous lancez une balle, elle reste là et vous regarde en voulant dire “comme c’est stupide” ».
Mais, avec un peu de patience, de compréhension et de socialisation, Trixie s’est parfaitement intégrée.
« Cela s’est avéré être une véritable bénédiction », dit Mme Rendell. « Cette chienne est très douce, adorable. Elle nous rend très heureux. Nous avons donné un foyer à une petite chienne qui en avait besoin. Comme un mariage par accident et qui a très bien fonctionné. Elle a vraiment mis de l’entrain dans une maison très calme. »
Pendant la pandémie, François Taisne n’a quitté son appartement montréalais que pour l’essentiel. Avocat à la retraite, il vit seul dans son grand appartement, en compagnie de son chat. « J’ai besoin que quelqu’un vive avec moi », dit-il.
Pendant 20 ans, ce quelqu’un a été son cher Pepe, une ombre à fourrure omniprésente qui dormait sur le bureau de M. Taisne pendant qu’il travaillait et se blottissait contre lui dans son lit. Il était peut-être écrit que M. Taisne allait se trouver près de Pepe à son décès. Ce triste moment est arrivé à la fin de l’été dernier. Assis sur son divan, M. Taisne regardait la télévision, Pepe ronronnant dans ses bras. Un souffle plus tard, il était parti.
« J'ai eu un choc quand il est mort », dit M. Taisne.
Quelques semaines plus tard, face à l’insistance de ses enfants, il s’est retrouvé à la SPCA de Montréal, et une petite chatte l’a rapidement adopté. Il l’a baptisée Luna.
« Elle est tout simplement magnifique. Je pense qu’elle aussi cherchait quelqu’un. »
Luna a pris le relais de Pepe. Et, rien d’étonnant, c'est elle qui mène le bal. « Je suis à la retraite, donc la seule chose que j’ai à faire est de prendre soin d’elle », dit M. Taisne.
François Taisne, un avocat à la retraite qui vit seul et a perdu Pepe, son chat âgé de 20 ans l’été dernier, a réalisé qu’il avait besoin de compagnie. Luna, qu’on voit sur la photo, l’a « adopté ».
Mais c’est réciproque. Lorsqu’il a subi une petite opération du coeur récemment, elle n'a jamais quitté ses côtés pendant sa convalescence. Pour lui, une compagne constante alors qu’il doit garder ses distances avec tant de personnes dans sa vie est la perfection à fourrure.
« Elle me rend heureux », confie M. Taisne. « J’ai vraiment de la chance. C’est le meilleur chat que je puisse avoir. »
Contraints de s’éloigner de leur famille et de leurs amis pendant la pandémie, les gens ont recherché la compagnie des animaux en nombre record. Étant donné le risque accru de la COVID-19 pour les aînés, ceux-ci ont été éloignés de façon disproportionnée de leurs cercles sociaux, de sorte que la présence d’un animal de compagnie a été la bienvenue, en particulier pour ceux qui vivent seuls.
Selon la SPCA de l’Ontario, près de trois Canadiens sur dix ont adopté un animal de compagnie pendant la pandémie. Dans de nombreuses régions, les refuges ont été submergés par la demande accrue.
À Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, Cynthia Hodgins a passé des mois cette année à parcourir les sites Web des refuges et des organismes de sauvetage. Après son départ à la retraite, cette infirmière a attendu deux ans avant de prendre un autre chien, car elle souhaitait voyager. Pendant la première année de la pandémie, elle et son mari pensaient que la situation se résorberait rapidement et qu’ils seraient de nouveau prêts à partir. Mais lorsqu’il est devenu évident qu’ils ne pourraient pas rendre visite à leur famille au Labrador et en Ontario de sitôt, le moment leur a semblé bon pour accueillir un compagnon à quatre pattes.
Mme Hodgins s’est vite rendu compte que tout le monde avait la même idée. Ses deux chiens précédents avaient été rescapés et, même si elle avait l’intention d’en sauver un autre, la rareté des chiens l’a amenée à contacter des éleveurs.
En septembre, elle a adopté Sam, un Labradoodle australien miniature qui est devenu son compagnon de promenade habituel dans un quartier rempli de chiens. Auparavant, les gens se contentaient de la saluer en passant.
Maintenant, tout le monde s’arrête pour bavarder.
« C’est vraiment plus social quand on a un chien. Bien entendu, nous connaissons le nom de tous les chiens, mais pas de celui de leur maître », lance-t-elle.
Ni elle ni son mari n’ont de famille en ville et, alors que la pandémie, se prolongeait, cette séparation et ce décalage ont commencé à se faire sentir. Sam a fait des merveilles pour combler une partie de ce vide, grâce au divertissement sans fin que seul un chiot peut offrir.
« Un chien, c’est quelqu’un à qui parler. On se sent moins seul quand on a quelqu’un dont on peut s’occuper », dit Mme Hodgins. « Et il vous fait sortir, qu’il pleuve ou qu’il neige. Mais c’est la compagnie qui compte le plus. On ne peut vraiment pas obtenir cela d’un chat. »
Son mari, James Rogers, qui n’a eu que des chats dans sa vie, aurait pu ne pas être d’accord au départ. Mais en passe de devenir rapidement féru des chiens, il affirme que Sam lui a donné une nouvelle perspective sur la vie.
« C’est une bonne chose pour moi, car je sors plus souvent pour faire des promenades avec lui. J’ai une nouvelle perspective pour ce qui est de me lever et de sortir », dit-il.
« Sam m’apporte beaucoup de bonheur et ça fait longtemps que je n’ai pas dit ça. »
Comme tous deux ont leurs propres intérêts, n’ont pas d’enfants et se sont mariés plus tard dans la vie, Sam est aussi un intérêt en commun.
Les animaux de compagnie ont toujours fait partie de la vie de Sheila Nixon, une membre de l’Association établie à Calgary. Sa bergère allemande adorée Asia est décédée un an avant qu’elle ne prenne sa retraite de son poste de comptable à l’Agence du revenu du Canada. Mais comme son mari et elle pensaient voyager à la retraite, ils estimaient qu’un animal de compagnie n’était probablement pas judicieux.
Pourtant, Mme Nixon ne pouvait pas s’imaginer vivre sans animal à la maison. Elle s’est donc inscrite pour le placement et, depuis, a accueilli des animaux presque partout où elle a voyagé en Amérique du Nord, soit plus de 50 animaux dans ses résidences secondaires.
Lorsque la pandémie a été déclarée en mars 2020, Mme Nixon et son mari étaient au Mexique, où ils prenaient soin d’une adorable Bully nommé Brownie pour l’organisme de sauvetage des animaux de Mazatlan. Ils s’étaient engagés à aider Brownie à devenir propre, à marcher en laisse et à faire partie d’un foyer, afin d’augmenter ses chances d’être adoptée. Lorsque le monde s’est refermé, elle est restée avec eux. Ils ne sont pas revenus au Canada avant la fin du mois d’avril 2020.
De retour à Calgary, les contacts sociaux limités ont donné lieu à un été vide d’activités, sans parties de jeux de cartes, de repas-partage ou de Stampede. La montée en flèche des adoptions de chiens signifiait qu’il n’y en avait aucun à placer. Mme Nixon a donc commencé à accueillir des chats pour l’organisme de sauvetage d’animaux âgés, ARTS.
« Les animaux représentent une partie tellement importante de notre vie. Que je les aie pendant deux jours ou deux mois, je ne peux pas imaginer la vie sans eux », confie Mme Nixon.
« Quand les choses vont mal dans votre vie et que vous vous blottissez contre votre animal de compagnie, il vous remonte le moral. Ils nous réconfortent tellement. Ils donnent plus qu’ils ne reçoivent. Ils insufflent un entrain à la vie qui n’est pas à la portée des humains. »