Le dernier budget fédéral a été présenté comme dressant un plan sous la bannière « Une chance équitable pour chaque génération », en mettant l’accent sur les nouveaux logements.
Avec ses 497 pages, le budget de cette année, intitulé Une chance équitable pour chaque génération, ne se lit pas rapidement. Avec ce budget, le gouvernement espère ramener les électeurs sous la grosse tente libérale, en particulier les millénariaux et la génération Z, en combinant des objectifs politiques progressistes traditionnels et en essayant de saper l’opposition en braconnant ses idées, comme le font souvent les budgets fédéraux. Et le budget de 2024 pourrait bien mettre en œuvre les programmes annoncés avant que les élections ne soient déclenchées en octobre 2025, si le NPD maintient son entente avec le Parti libéral et appuie le budget.
Avec les nouvelles dépenses promises de 52,9 milliards de dollars échelonnées sur six ans, le budget prévoit maintenant un déficit à hauteur de 39,8 milliards de dollars.
La vedette du budget, dont les libéraux ont « libéralement » fait état à l’avance, est la construction de nouveaux logements. En deuxième lieu, le budget comporte d’ambitieux programmes sociaux comme les soins dentaires et une assurance-médicaments limitée. Enfin, le dernier point saillant est un plan pour faire croître l’économie, grâce à l’innovation et à la stimulation de la productivité des entreprises.
Mais tout d’abord, parlons des quelques mesures politiques visant les pensions qui sont mentionnées dans le budget. Les fonds de pension du Canada détiennent plus de 3 000 milliards de dollars d’actifs, et le budget de 2024 annonce la création d’un groupe de travail chargé de trouver des mesures d’incitation pour que les plus importants fonds de pension investissent une plus grande proportion de ces actifs au pays.
Dans une lettre ouverte publiée le mois dernier, 92 chefs d’entreprise de partout au pays ont exhorté les ministres des Finances fédérale et provinciaux à faire exactement cela. Ils soutenaient que les règles régissant les fonds de pension devraient être modifiées pour les encourager à « investir au Canada », et suggéraient que le gouvernement « a le droit, la responsabilité et l’obligation de réglementer le fonctionnement de ces régimes d’épargne-retraite ». Les anciens dirigeants de régimes de retraite ont dénoncé l’idée, faisant valoir que le succès exemplaire des fonds de pension du Canada reposait justement sur leur capacité d’investir et de croître sans ingérence politique.
« Cela pourrait être le début d’une tangente dangereuse vers l’ingérence politique dans les investissements des fonds de pension », déclare Anthony Pizzino, DG de l’Association nationale des retraités fédéraux. « La question n’est pas d’investir au Canada pour stimuler l’économie, comme le disent les 92 auteurs de la lettre. Ces chefs d’entreprise veulent savoir quels fonds sont dépensés sur leurs sociétés, ce qui équivaudrait à une subvention d’affaires en utilisant l’épargne-retraite durement gagnée des Canadiens. Et les Canadiens ne veulent pas que les gouvernements fassent de la politique avec leurs pensions. »
Toujours au sujet des pensions, le plus important programme du gouvernement, la Sécurité de la vieillesse (SV), devrait verser 80,6 milliards de dollars à plus de sept millions de personnes âgées en 2024-2025.
Parallèlement au départ à la retraite de la dernière génération des bébé-boumeurs, les coûts de la SV, du Régime de pensions du Canada et des soins de santé se multiplieront dans les années à venir. À elles seules, les dépenses annuelles du programme de la SV devraient augmenter de près de 24 % pour atteindre près de 100 milliards de dollars d’ici 2028-2029, soit 18 % des dépenses de programmes fédéraux durant cet exercice, et presque tripler par rapport au niveau de 2024-2025 d’ici 2055-2056, pour s’élever à environ 234 milliards de dollars.
Le budget de 2024 propose de fournir un total de 2,9 milliards de dollars sur cinq ans, à compter de 2024-2025, selon la méthode de la comptabilité de caisse, à Emploi et Développement social Canada pour la migration des systèmes de la SV et de l’assurance-emploi sur une plateforme sécuritaire et conviviale. Il sera essentiel de veiller à ce que la nouvelle plateforme réponde aux besoins d’une population diversifiée de personnes âgées.
L’un des titres controversés de ce document gigantesque est l’intention du gouvernement d’augmenter le taux d’inclusion des gains en capital supérieurs à 250 000 $ réalisés annuellement par les particuliers et de tous les gains en capital réalisés par les sociétés et les fiducies. À compter du 25 juin 2024, ils passeront de la moitié à deux tiers. Cela ne s’appliquera pas aux résidences principales. Les entrepreneurs obtiennent un maximum à vie d’un taux d’inclusion de 33 % sur la première tranche de 3,25 millions de dollars lors de la vente d’une entreprise en totalité ou en partie. Les revenus provenant de comptes d’épargne à l’abri de l’impôt, de régimes de pension et jusqu’à 250 00 $ par année de gains en capital découlant de la vente d’un chalet, d’un investissement immobilier ou d’autres placements imposables ne sont pas touchés.
Lorsque les personnes riches commenceront à dénoncer l’injustice de cette mesure, souvenez-vous que seulement 40 000 personnes, soit 0,13 % des Canadien·ne·s qui ont un revenu moyen de 1,4 million de dollars, devront payer plus d’impôt sur le revenu des particuliers sur leurs gains en capital au cours d’une année donnée.
Et les personnes riches ne seront pas en mesure de dissimuler leur argent dans des cryptoactifs, en raison du nouveau cadre commun de déclaration de l’OCDE, que le Canada adoptera à compter de 2026.
Le budget de 2024 propose d’accorder à Santé Canada 1,5 milliard de dollars sur cinq ans, à compter de 2024-2025, pour appuyer le lancement du Régime national d’assurance-médicaments, qui couvrira les médicaments contre le diabète et les contraceptifs admissibles. Le Régime canadien de soins dentaires a été annoncé de nouveau, les provinces n’ayant pas encore signé. Fait intéressant, 1,7 million de personnes ont été inscrites au nouveau régime de soins dentaires.
Si vous ou un proche vivez dans un établissement de soins de longue durée, sachez que le gouvernement prévoit introduire de nouvelles normes nationales sur les soins de longue durée, en déposant une loi sur les soins de longue durée sécuritaires, répétant ainsi une promesse remontant à trois ans, mais qui n’a pas encore été tenue.
« Depuis des années, Retraités fédéraux exhorte le gouvernement à remédier à la situation des soins de longue durée. Cette loi a été promise pour la première fois par ce gouvernement en 2021 », souligne M. Pizzino. « Plus de 80 % des décès liés à la COVID-19 au Canada au cours de la première vague se sont produits dans des établissements de soins de longue durée, et ces décès étaient attribuables aux conditions déplorables auxquelles les résidents et les travailleurs étaient soumis dans de nombreuses résidences de soins de longue durée. Nos membres ne l’ont pas oublié. Et nous allons nous assurer que ce gouvernement ne l’oublie pas non plus. Les gens ont attendu assez longtemps. Pour des soins de longue durée plus sûrs et de meilleure qualité, c’est maintenant qu’il faut agir. »
Tout comme elle a exposé et aggravé les problèmes du système de soins de longue durée, la pandémie a profondément touché les soins à domicile et en milieu communautaire.
Le budget de 2024 a permis à Retraités fédéraux de remporter une victoire, en proposant une table sectorielle qui tiendra des consultations et formulera des recommandations sur la façon de mieux soutenir l’économie des soins. Le budget s’engage également à mener des consultations sur l’élaboration d’une stratégie nationale de prestation de soins.
« Les proches aidants, tant rémunérés que non rémunérés, réalisent un travail important et contribuent au bien-être de millions de Canadiens tous les jours » , déclare M. Pizzino. « La table sectorielle sur l’économie des soins et les consultations sur une stratégie nationale sur la prestation de soins représentent une amélioration des soins au Canada, mais nous savons qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir pour veiller à ce que les proches aidants soient mieux soutenus pour le travail extraordinaire qu’ils réalisent. »
Le budget de 2024 propose un financement de 6,1 milliards de dollars sur six ans, à compter de 2024-2025, et de 1,4 milliard de dollars par année par la suite, pour une nouvelle prestation canadienne pour personnes handicapées. Cela comprend les coûts de prestation. Le budget de 2024 annonce également l’intention du gouvernement de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu, afin de rendre les dépenses supplémentaires admissibles à la déduction pour produits et services de soutien aux personnes handicapées, comme les chiens-guides, les appareils informatiques et les chaises et lits spécialisés.
Pour les vétéran·e·s, Ottawa propose de verser 6 millions de dollars supplémentaires sur trois ans, à compter de 2024-2025, à Anciens Combattants Canada (ACC) pour le Fonds pour le bien-être des vétérans et de leur famille. Une partie du financement sera consacrée à des projets destinés aux autochtones, aux femmes et aux vétéran·e·s membres de la communauté 2ELGBTQI+. Le budget réserve aussi 9,3 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2024-2025, pour permettre à ACC de prolonger de trois ans et d’élargir la portée du projet pilote Service de télémédecine pour les familles des vétérans. Les engagements de commémoration comprennent 3,8 millions de dollars pour le Centre Juno Beach et 4 millions de dollars en 2024-2025 pour célébrer des événements marquants comme le 80e anniversaire du jour J, la bataille de Normandie, et le 60e anniversaire du début de la mission canadienne de maintien de la paix à Chypre.
En ce qui concerne le bien-être des vétéran·e·s, ce qui manque dans le budget est aussi remarquable que ce qu’il prévoit. Il n'y a pas de fonds pour améliorer la santé mentale et le soutien aux blessures de stress opérationnel, ni de fonds pour améliorer la transition et la libération du service. Le budget n’énonce pas non plus d’engagement à corriger de façon permanente les retards ininterrompus d’Anciens Combattants Canada en accordant un statut permanent au personnel temporaire.
Pendant des semaines, le logement a été l’élément vedette du budget. Le budget de 2024 prévoit de construire de nouveaux logements en réaffectant les immeubles gouvernementaux sous-utilisés, en rénovant les bureaux de poste à un étage (tout en maintenant les services postaux) et en réaménageant les propriétés du ministère de la Défense nationale pour permettre leur utilisation par le public et les membres des Forces armées canadiennes. Mais le budget ne mentionne pas d’échéance concrète pour répondre aux besoins urgents de ce groupe en matière de logement. Cela équivaut à des dépenses de 1,1 milliard de dollars sur 10 ans pour transformer 50 % du portefeuille des bureaux fédéraux en logement seulement. Annoncée la semaine dernière, cette stratégie prévoit d’affecter 3,87 millions à de nouveaux logements d’ici 2031, ce qui comprend un minimum de 2 millions de nouveaux logements nets qui s’ajoutent aux 1,87 million de logements dont la construction est déjà prévue d’ici 2031. On s’attend également à ce que les gouvernements provinciaux et territoriaux s’engagent à construire 800 000 nouveaux logements nets de plus.
Pour stimuler l’économie et inciter le secteur privé à construire, le budget de 2024 verse 15 milliards de dollars au Programme de prêts pour la construction d’appartements, en espérant que l’on construise 30 000 nouveaux logements dans l’ensemble du pays. Et, pour aider les étudiants aux prises avec ces coûts de location élevés, tous les ans, 79 000 étudiants seraient admissibles à de l’aide financière supplémentaire, d’un coût estimatif de 154,6 millions de dollars sur cinq ans.
Le budget de 2024 propose également d’accorder 6 milliards de dollars sur 10 ans à compter de 2024-2025 à Infrastructure Canada pour lancer le nouveau Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement. De cette somme, un milliard est réservé aux municipalités, et les 5 milliards restants seront versés aux provinces, si elles s’engagent à bien suivre les « mesures clés » du gouvernement fédéral pour accélérer le logement, comme autoriser les quadruplex, appliquer un gel de trois ans sur les redevances d’aménagement et permettre l’approbation préalable du prochain catalogue de conception de logements du gouvernement.
Les petites entreprises bénéficieront d’incitatifs visant à stimuler la croissance, et les industries comme l’immobilier et les entreprises qui participent à la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques ont quelques avantages dans le budget de 2024. Dans une démarche tournée vers l’avenir, le gouvernement veut aider financièrement les industries innovantes comme l’intelligence artificielle (IA) avec une augmentation monumentale du soutien ciblé à l’IA, qui passe à 2,4 milliards de dollars. Il y a aussi une enveloppe importante de fonds pour la recherche affectés à des programmes scientifiques onéreux, des universitaires et des étudiants postdoctoraux. Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) obtient également 655,7 millions de dollars sur huit ans, pour améliorer ses capacités, à l’exclusion de l’IA.
« Un nombre sans précédent de nos membres, soit 8 000, nous a fait part de leurs priorités pour le budget fédéral de 2024, et nos bénévoles ont fait un travail fantastique pour communiquer ces priorités lors des consultations budgétaires », conclut M. Pizzino. « Le budget de cette année contient des promesses et des préoccupations pour les personnes âgées et les membres de Retraités fédéraux. Il nous reste du travail à faire. Et nous veillerons à ce que les intérêts des personnes âgées et des vétérans soient représentés dans les politiques qui découlent de ce budget. »