Reprendre les rênes au mitan de la vie

24 janvier 2025
Un nombre croissant d’adultes reçoivent ce diagnostic.
Le TDAH ne touche plus seulement les enfants : Un nombre croissant d’adultes reçoivent ce diagnostic. Sage passe au crible les idées fausses sur ce trouble.
 

Enfant, André Brisson ne correspondait pas au stéréotype d’un garçon atteint d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Il n’était pas « physiquement perturbateur » en classe. Il se décrit plutôt comme « intellectuellement perturbateur », remettant tout en question.  

Étudiant doué, il a bien réussi à l’école, obtenant un diplôme d’ingénieur et devenant entrepreneur. Il pouvait consacrer de nombreuses heures au travail qui l’intéressait, mais avait du mal à terminer les tâches « plates ». Il avait également des difficultés avec la mémoire de travail, lui faisant passer « jusqu’à quatre heures par jour à m’organiser pour rester à jour sur tout ». 

Pendant la quarantaine, il a vécu ce qu’il qualifie de « tempête de vie ». Une de ses entreprises à Ingersoll, en Ontario, était en difficulté et il ne parvenait pas à contrôler ses émotions. Après avoir 

« crié après [mes] enfants sans raison et vu le regard sur leurs visages », il décide d’obtenir de l’aide professionnelle. « J’ai pensé au TDAH pendant 10 ans, mais je n’y croyais pas. Je n’arrivais pas à croire que ces quatre lettres expliquaient toutes mes difficultés. » À 44 ans, il a reçu un diagnostic de TDAH grave.

Souvent considéré comme une affection infantile, le TDAH est un trouble neurodéveloppemental qui touche cinq à sept pour cent des enfants et quatre à six pour cent des adultes au Canada. Il se caractérise par des tendances persistantes à l’inattention, à l’impulsivité ou à l’hyperactivité qui perturbent le quotidien. Il peut également causer des problèmes de gestion de temps, d’organisation et de régulation des émotions.
 

Types de TDAH

Il existe trois types de TDAH : hyperactif-impulsif, inattentif et mixte.

Heidi Bernhardt, fondatrice du Centre de sensibilisation au TDAH Canada (CADDAC), dit que les personnes souffrant d’un TDAH de type inattentif ont souvent du mal à rester concentrées et organisées.

« Le symptôme dont on parle le plus est l’inattention, mais les personnes atteintes de TDAH peuvent présenter une concentration tout autant trop élevée que trop faible », dit-elle. « Si leur cerveau s’accroche à quelque chose qui les intéresse, elles ont de la difficulté à briser leur concentration. »

Le type mixte, qui combine des difficultés d’inattention assorties de l’hyperactivité et de l’impulsivité, est le plus courant. Chez l’adulte, l’hyperactivité se manifeste souvent par une agitation intériorisée, ainsi que le fait de parler de manière excessive, d’interrompre les autres et de ne pas tenir en place. 

Le TDAH de type hyperactif-impulsif implique une bougeotte quasi constante et des comportements irréfléchis. Selon Mme Bernhardt, il est rare chez les adultes.  

« C’est un trouble très complexe », explique-t-elle. « Une personne atteinte de TDAH peut sembler très différente d’une autre qui en est aussi atteinte. » 
 

Expériences différentes, défis semblables

Pamela, une membre de l’Association depuis 2001 qui a demandé à taire son nom de famille, a été diagnostiquée avec le TDAH durant la soixantaine. Désormais octogénaire, elle commence encore de nouveaux projets avant de finir ceux qui sont en cours et elle peut être « intensément absorbée par quelque chose et ne travailler que sur cela pendant des heures, sans interruption ».

À un âge plus jeune, elle luttait contre son impulsivité, disant « la mauvaise chose au mauvais moment à la mauvaise personne et en en subissant les conséquences ». 

Pamela a également une dysphorie sensible au rejet qui découle de son TDAH et provoque une sensibilité émotionnelle extrême et de la douleur causées par l’échec ou le rejet perçu. La qualifiant de « dévastatrice », Pamela mentionne qu’elle a composé avec cette sensibilité en observant comment les autres géraient les critiques.

« En imitant d’autres personnes, j’ai appris à [gérer mes émotions]. Mais il m’a fallu beaucoup de temps et cela a été très difficile. »

Le masquage désigne les tentatives de dissimulation des symptômes du TDAH. Selon Mme Bernhardt, le masquage peut fonctionner pendant un certain temps, mais peut être difficile à maintenir. Cela peut aussi empêcher les gens d’être eux-mêmes et entraîner des sentiments de honte ou d’inadéquation. 

« Plus les gens sont âgés lorsqu’ils reçoivent leur diagnostic, plus il est possible qu’ils soient atteints d’autres troubles, comme l’anxiété, la dépression, la consommation de substances ou des pensées suicidaires », dit-elle.  

Elle ajoute que l’on confond souvent le TDAH comme de l’anxiété et de la dépression chez les femmes, au moment du diagnostic. « Leur TDAH n’est pas dépisté et elles subissent des traitements inefficaces, parfois pendant des décennies. » 

Les femmes obtiennent souvent un diagnostic aux alentours de la puberté ou de la périménopause, car l'œstrogène peut affecter les symptômes. 

D’autres changements majeurs dans la vie, comme déménager, prendre sa retraite ou perdre un conjoint, peuvent aussi perturber les mécanismes d’adaptation et inciter les gens à chercher de l’aide.
 

Augmentation des diagnostics de TDAH

Gurdeep Parhar, médecin et cofondateur de l’Adult ADHD Centre à Burnaby, en Colombie-Britannique, estime qu’une plus grande sensibilisation se traduit par un plus grand nombre de gens cherchant un diagnostic. Toutefois, la complexité du TDAH ne se résume pas à « quelques symptômes dans un TikTok amusant ». 

Même si la plupart des gens font parfois preuve d’inattention ou d’agitation, M. Parhar rappelle l’existence « d’un ensemble de critères à respecter pour obtenir un diagnostic de TDAH, et un niveau considérablement invalidant. » 

Une évaluation du TDAH devrait comprendre un examen exhaustif des antécédents physiques et des symptômes durant l’enfance. 

« Vous ne vous réveillez pas un beau matin à 45 ans avec un TDAH », dit M. Parhar. Les symptômes commencent avant l’âge de 12 ans et persistent tout au long de la vie, entraînant un dysfonctionnement dans au moins deux contextes, comme le travail, la vie familiale ou les relations.

D’autres problèmes de santé devraient également être pris en considération, dont les troubles de santé mentale qui coexistent couramment avec le TDAH, comme le trouble du spectre de l’autisme (TSA), le trouble bipolaire, l’anxiété et la dépression. 

C’est le cas de M. Brisson, à qui on a diagnostiqué un TSA après avoir découvert son TDAH.

Le TDAH est également fortement héréditaire. La fille de M. Brisson a été diagnostiquée, et Pamela croit que sa mère pourrait l’avoir eu, car elle avait des difficultés similaires à gérer ses émotions.
 

Obtenir un traitement

La première étape pour obtenir un diagnostic consiste à consulter un médecin de famille, pour évaluation ou aiguillage vers un spécialiste.

Mais les embûches abondent, selon Mme Bernhardt, à cause des longues listes d'attente. Les soins peuvent également être difficiles d'accès à un coût raisonnable pour ceux qui n'ont pas de prestations de santé complémentaires. 

M. Parhar ajoute que les médecins ont besoin de plus de formation sur le TDAH adulte. Après avoir obtenu son diplôme de médecine en 1993, il avait suivi 

« 30 minutes de formation sur le TDAH, et elle ne portait que sur les enfants atteints de TDAH ». Il a diagnostiqué ce trouble à un adulte pour la première fois il y a à peine 10 ans. 

Pamela fait partie des personnes chanceuses. Tout en discutant avec son médecin d’un autre problème, elle a dit quelque chose d’« alambiqué » qui lui a fait immédiatement soupçonner qu’elle avait le TDAH. Les médicaments de l'époque ne lui convenaient pas, car ils pouvaient augmenter la tension artérielle.

Tout en affirmant que les médicaments peuvent donner à certaines personnes la concentration nécessaire pour les aider à gérer le trouble, M. Panrhar préfère essayer d’abord des interventions non pharmaceutiques, comme la thérapie cognitivo-comportementale, l’acquisition de compétences, l’accompagnement, un sommeil adéquat, la nutrition et l’exercice. 

Les médicaments ont tout d’abord aidé M. Brisson à surmonter les difficultés avec son entreprise. Cependant, leurs avantages ne suffisaient pas à compenser les effets secondaires, qui peuvent comprendre des troubles du sommeil, des nausées, une perte d’appétit et d’autres problèmes. 

Au lieu de prendre des médicaments, M. Brisson a établi « un contrôle de l’environnement, des habitudes, des routines et des règles personnelles » pour créer la structure dont il a besoin. Par exemple, son bureau est exempt de distractions. Comme aide-mémoire, il utilise des tableaux blancs et des notes adhésives.
 

Un diagnostic éclairant

Après avoir eu le sentiment de ruiner sa propre vie pendant des années, le diagnostic a soulagé Pamela. Elle croit également que le trouble comporte un aspect positif, car elle a la « capacité d’évaluer rapidement les problèmes » et de trouver des solutions. 

Il en va de même pour M. Brisson, qui est devenu un défenseur pour d’autres entrepreneurs atteints du TDAH, grâce à son balado, The impulsive Thinker. Après des années à croire qu’il était une « mauvaise personne », il comprend qu’il fonctionne différemment. 

« Le TDAH est une affection du cerveau, vous n’êtes pas une personne horrible ou un échec moral. Vous n’êtes pas défectueux », conclut-il.

 

Cet article a été publié dans le numéro du l'hiver 2024 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?