En matière d’inflation alimentaire, le Canada s’en tire bien

12 mars 2024
Graphique de l'inflation alimentaire montrant une ligne brisée s'élevant au-dessus de tiges de maïs.
Les prix des denrées alimentaires ont culminé dans la période postpandémique.
 

S’il est vrai que les prix des aliments ont considérablement augmenté au Canada au cours de la dernière année, la diminution des dépenses en alimentation des Canadiens l’est tout autant. 

Cette incongruité est attribuable à la pression exercée par d’autres dépenses des ménages ayant augmenté de façon désagréable : les taux hypothécaires, l’essence, les taxes, les services publics et tous les besoins quotidiens. Le revenu de nombreux ménages canadiens n’a pas suivi ce rythme, surtout celui d’un grand nombre de pensionnés dont le revenu est fixe. 

Les Canadiens continuent de profiter de certains des prix les plus bas au monde sur les aliments, correspondant en moyenne à un pourcentage de 10 % à 11 % du budget du ménage, indique le professeur Sylvain Charlebois, directeur du laboratoire d’analyse agroalimentaire de l’Université Dalhousie. Seuls cinq autres pays dépensent en moyenne un pourcentage inférieur du budget du ménage, les États-Unis profitant des coûts alimentaires moyens les plus bas. 

Le défi qui attend les Canadiens dans l’immédiat, selon M. Charlebois, c’est « que les changements se sont produits si rapidement que de nombreux ménages n’ont tout simplement pas eu le temps de s’y adapter. » 

Frappés de part et d’autre par des hausses des coûts de la nourriture et de logement, la plupart des ménages ont fait face à un choix inévitable : il est plus facile de réduire ses dépenses alimentaires que son hypothèque. 

« C’est pour cette raison que c’est à l’épicerie que les gens cherchaient le plus à économiser », souligne M. Charlebois. « Vous achetez des produits de marques moins chères. Vous allez au magasin à un dollar et un peu plus souvent au Tigre Géant. » 

En 2023, l’inflation a considérablement varié d’un mois à l’autre. Comparativement, certains produits alimentaires ont connu d’impressionnantes hausses à certains moments de l’année. Ajoutez à cela l’inflation alimentaire inhabituelle au taux supérieur à celui de l’inflation en général, et vous obtenez un choc. 

Mis à part ces bouleversements, le système alimentaire canadien reste l’un des meilleurs au monde. Le Canada s’est classé au septième rang des pays figurant sur l’indice mondial de la sécurité alimentaire de 2022, en ce qui concerne le « contexte de sécurité alimentaire », alors même que la sécurité alimentaire était en déclin à l’échelle mondiale, selon la tendance des deux années précédentes. 

« Des bouleversements plus fréquents et importants, notamment la COVID-19, les conflits, les conditions météorologiques extrêmes et la hausse des coûts, aggravent les problèmes systémiques qui érodent la sécurité alimentaire au fil du temps, affaiblissant la résilience du système », ont signalé les auteurs de l’indice. « Les intervenants de tous les secteurs d’un système alimentaire complexe et interrelié devront travailler ensemble pour gérer ces risques. » 

M. Charlebois précise que les trois piliers de la sécurité alimentaire sont l’accès, la sécurité et l’abordabilité. À son avis, le Canada reste parmi les chefs de file pour deux de ces trois piliers. 

« En ce qui concerne l’accès, nous nous portons bien », mentionne-t-il. « Nous cultivons de nombreux aliments au Canada. Avec les États-Unis, nous faisons partie de cette bulle nord-américaine et nous sommes donc à l’abri de nombreuses situations qui se produisent dans le monde entier. L’Ukraine en était un bon exemple; l’Europe a été fortement perturbée en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, [mais pas nous] ». 

Le Canada excelle également en matière de sécurité alimentaire ajoute-t-il. Chaque année, environ 300 personnes décèdent de maladies d’origine alimentaire au Canada, « ce qui est beaucoup, certes, mais cela reste très peu en comparaison » avec d’autres pays et régions. 

L’élément qui fait chuter le Canada du haut du tableau sur la sécurité alimentaire globale, c’est le troisième indicateur. 
« Le secteur dans lequel nous éprouvons de la difficulté, c’est l’abordabilité », indique-t-il. « J’estime que nous sommes moins performants qu’avant à ce niveau. Le pourquoi de cette performance moindre est le coût très élevé pour desservir certaines régions du pays. » 

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles l’inflation des prix des aliments varie d’une région à l’autre. Le Rapport sur les prix alimentaires au Canada 2024, une étude et des prévisions rédigées par 30 coauteurs d’universités de partout au pays, dont M. Charlebois, révèle que l’inflation des prix alimentaires en 2023 variait entre 6,7 %, à l’Île-du-Prince-Édouard et au Québec, et 5 %, en Saskatchewan. On y présente peu de statistiques sur le nord du Canada, mais le rapport indique que les trois territoires connaîtront probablement tous des hausses plus importantes que la prévision canadienne de 4,5 % en 2024. 

L’inflation alimentaire peut également varier grandement d’un rayon du magasin à l’autre, comme on l’a constaté en 2023. 

« Le taux d’inflation des prix alimentaires augmentait de façon globale, mais certaines catégories connaissaient des hausses moins importantes et d’autres montaient en flèche », explique Kelleen Wiseman, directrice académique de la maîtrise en économie alimentaire et des ressources, à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université de la Colombie-Britannique, également coauteure du rapport. « Il y avait de nombreuses nuances étranges et fascinantes », souligne-t-elle. « La viande augmentait considérablement, l’huile augmentait, les produits de boulangerie augmentaient, les fruits augmentaient, puis des aliments, comme les tomates et la laitue, baissaient. C’était en partie attribuable au caractère saisonnier de ces aliments. » 

Cette baisse découlait également en partie de facteurs qui expliquent « l’écart » inhabituel entre l’inflation des prix alimentaires et le taux d’inflation global. Divers facteurs ont une incidence sur les prix des aliments, selon Mme Wiseman, dont certains coûts de main-d’oeuvre, les coûts de location pour les entrepôts ou les épiceries et le coût des matériaux d’emballage, comme les bouteilles de verre, dont le coût a récemment augmenté de 75 % à lui seul. 

« Certains de ces facteurs entraînent cette hausse et semblent empêcher les prix des aliments de baisser aussi vite que nous le pensions, mais nous espérons qu’ils diminueront et que la hausse ralentira. » 

L’inflation des prix alimentaires est peu influencée par les chaînes d’approvisionnement mondiales, mentionne-t-elle, puisqu’elles restent « plutôt solides » et peuvent s’adapter assez rapidement aux perturbations à court terme, qu’elles soient de nature géopolitique ou climatique. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura aucun changement permanent aux chaînes d’approvisionnement alimentaire puisque, par exemple, les changements climatiques pourraient anéantir les cultures de laitues en Californie ou d’avocats au Mexique, pour ne nommer que deux des nombreuses répercussions potentielles sur la nature, l’endroit et le moment des récoltes. 

Pour le moment, à l’extrémité de la chaîne, c’est-à-dire sur les tablettes des commerces de détail, Mme Wiseman s’attend à ce qu’on observe une « accalmie » des prix des aliments entre février et avril 2024. 

M. Charlebois entrevoit au moins une diminution du taux d’augmentation par rapport à l’année dernière. Ces prévisions sont appuyées par le rapport sur les prix alimentaires. Il prévoit un taux d’inflation des prix alimentaires se situant entre 2,5 % et 4,5 % dans l’ensemble en 2024, ce qui se rapprocherait de la moyenne sur dix ans, bien que des fluctuations considérables persisteraient entre différentes catégories alimentaires. Le rapport prévoit un taux d’inflation entre 5 % et 7 % pour la viande, les légumes ou les produits de boulangerie, mais de seulement 1 % à 3 % pour les produits laitiers et les fruits. 

« Nous prévoyons qu’une famille de quatre personnes [comptant deux adolescents] aura une dépense estimée de 16 297,20 dollars », indique le rapport. « Cela représente une augmentation de 701,79 dollars par rapport à l’année précédente. » 

Une conclusion du rapport qui donne particulièrement à réfléchir mentionne une augmentation de 78,5 % du nombre de visites aux banques alimentaires au Canada, entre 2019 et 2022, atteignant presque deux millions. 

« Il s’agit du taux de fréquentation des banques alimentaires le plus élevé jamais constaté au Canada. »
 

Économisez de manière astucieuse 

Les conseils pour économiser sur votre facture d’épicerie abondent. En voici cinq qui sont concrets, mais moins évidents que les coupons. 

Planifiez vos repas et faites une liste : Planifiez vos repas de la semaine, dressez une liste de tout ce dont vous avez besoin pour préparer ces repas et respectez-la. Puis, une fois par semaine, cuisinez un repas planifié en quantité suffisante pour en réfrigérer ou en congeler des portions, afin d’avoir des repas rapides tout au long de la semaine. Considérez-le comme une réserve inépuisable de restes. Vous irez peut-être encore plus loin en faisant des conserves avec des aliments saisonniers pour les utiliser rapidement plus tard. 

Baissez les yeux : Les marchands placent habituellement les articles les plus chers à la hauteur des yeux et relèguent les options moins coûteuses aux tablettes inférieures. Balayez les tablettes du regard de haut en bas dans tout le magasin et vous économiserez. 

Mangez avant d’acheter : Ne faites pas l’épicerie le ventre vide : plus votre estomac crie famine, plus vous remplirez votre panier d’épicerie. 

Achetez plus de produits végétaux : Quelques repas sans viande et à base de végétaux par semaine permettent d’économiser sur le coût de l’épicerie. Soyez végétarien à temps partiel. 

Éliminez le gaspillage à la source : Nous finissons tous par jeter des aliments uniquement parce que nous ne les avons pas mangés à temps. Prenez note des aliments que vous jetez et cessez de les acheter.
 

Cet article a été publié dans le numéro du printemps 2024 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?