Durant la période précédant l’élection fédérale de 2015, les libéraux avaient promis de négocier un nouvel Accord sur la santé avec les provinces et les territoires. La toute nouvelle ministre fédérale de la Santé Jane Philpott s’est mise à la tâche rapidement, rencontrant les ministres de la Santé provinciaux et territoriaux au début de son mandat. Cependant, les résultats de ces rencontres n’ont pas été de bon augure pour une entente unilatérale.
Pendant la période où l’Accord sur la santé désormais défunt était en vigueur, le Transfert canadien en matière de santé a augmenté de 3 % par an. En prévision de l’expiration de la formule le 31 mars 2017, l’ancien gouvernement conservateur Harper avait annoncé en 2011 que les transferts en matière de santé allaient augmente de 3 % ou de l’équivalent de la croissance du PIB nominal, en retenant le nombre le plus élevé. Cette décision litigieuse avait été dénoncée tant par les provinces que les conseillers politiques. Mais le gouvernement libéral du premier ministre Trudeau la maintient.
Les provinces et les territoires croient que ce montant entraînera des déficits dans leurs budgets de soins de santé. Selon les Instituts canadiens d’information sur la santé, les dépenses des gouvernements en matière de soins de santé devraient augmenter de 2,3 % cette année (ou de 2,7 %, si on tient compte des dépenses assumées de leur propre poche par les Canadiens), et ce, alors que les dépenses augmentent pour couvrir l’inflation et que la croissance de la population a diminué pendant six années consécutives, en grande partie à cause des mesures d’austérité mises en place depuis les bouleversements financiers qui ont commencé en 2008. En ajoutant à cela le fait que le Transfert canadien en matière de santé est versé en fonction du nombre d’habitants plutôt que des populations ayant le plus besoin d’aide (par exemple, les provinces dont les populations de personnes âgées sont élevées), les systèmes de soins de santé provinciaux et les patients seront durement touchés.
Pendant les négociations avec la ministre Philpott, les provinces et les territoires demandaient une augmentation de 5,2 %. Les recherches effectuées par le Bureau du directeur parlementaire du budget et le Conference Board of Canada ont conclu qu’une augmentation de 5,2 % s’avère nécessaire pour assumer les coûts des soins de santé. En décembre 2016, le gouvernement fédéral avait fait une contre-offre d’augmentation de 3,5 % à titre de dernier compromis pour conclure une entente, tout en annonçant peu après que les négociations sur un nouvel Accord sur la santé du Canada et le financement n’avaient pas abouti, malgré la promesse du gouvernement fédéral de consacrer 11,5 milliards de dollars à l’augmentation des fonds ciblant les soins à domicile et la santé mentale, et l’engagement du ministre des Finances fédéral Bill Morneau d’accorder des augmentations de 3,5 % aux Transferts canadiens en matière de santé au cours des cinq prochaines années. L’offre du gouvernement fédéral aurait été conditionnelle, obligeant les provinces à rendre des comptes comportant des résultats réels et mesurables. Le gouvernement fédéral est présentement en train de déterminer la forme que prendront ces mesures de résultats de santé.
Au tout début, les provinces et les territoires avaient juré de ne pas céder à la pression, mais cette résolution a été de courte durée : six des dix provinces ont accepté des ententes individuelles d’Accord sur la santé et de financement des soins de santé en février 2017. Le Nouveau-Brunswick a été le premier à signer une telle entente, suivi de près par la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard et la Colombie-Britannique. Le Nunavut, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ont également signé une nouvelle entente. L’Ontario, le Québec, le Manitoba et l’Alberta sont les dernières provinces récalcitrantes. Elles espèrent obtenir une meilleure entente par rapport aux fonds disponibles, ainsi qu’un accord unilatéral qui rallie les provinces.
L’argument du gouvernement fédéral est que les provinces n’ont pas besoin d’une augmentation annuelle de plus de 3,5 % pour améliorer le système des soins de santé. L’Accord sur la santé de 2004 a prouvé que des fonds supplémentaires ne représentaient pas la panacée nécessaire à régler tous les aspects du système.
Le fait de conclure des ententes individuelles avec les provinces met en place des accords de financement de soins de santé et permet de réserver des fonds réservés aux soins à domicile et à la santé mentale. Même si peu de progrès concrets ont été réalisés au sujet d’un Accord sur la santé pluriannuel, il s’agissait là de deux résultats importants énoncés dans la lettre de mandat adressée à la ministre de la Santé Jane Philpott par le premier ministre Trudeau en novembre 2015.
Certains font valoir que les ententes individuelles avec les provinces pourraient aider ces provinces à répondre à leurs propres besoins uniques, et que les dépenses sur la santé sont trop élevées, de toute manière. D’autres s’inquiètent de ce que cette approche consistant à « diviser pour régner » élimine la vision partagée sur la façon dont tous les ordres de gouvernement devraient collaborer pour améliorer la prestation et les résultats des soins de santé pour les Canadiens, au sein du système universel publiquement financé qui joue un rôle de premier plan dans la définition de notre pays et de notre identité.
Le système des soins de santé du Canada est en train d’évoluer et la ministre Philpott commence à s’acquitter de son mandat. Toutefois, il reste à voir si le mode de prestation convient aux Canadiens.