
Elaine Waddington Lamont, cofondatrice et directrice de la santé mentale du Jardin de ressourcement des femmes combattantes, affirme que les femmes constituent une minorité importante et mal desservie de la communauté des vétérans. La poule Caramel, qu’elle tient au bras, fait partie du programme de zoothérapie des animaux du jardin. Photo : Dave Chan
Lynn Kennedy est une ardente défenseure des femmes vétéranes. Présidente du conseil d’administration du Jardin de ressourcement des femmes combattantes (JRFC), elle explique que l’expérience militaire n’est pas la même pour les femmes que pour les hommes : « On fait partie de l’équipe, mais sans en faire partie. On n’oublie jamais qu’on est une femme ».
De plus, le système actuel sert mal les femmes vétéranes.
« Les femmes représentent environ 16 % des vétérans. Elles constituent une minorité importante, mais mal desservie », souligne Elaine Waddington Lamont, directrice de la santé mentale et cofondatrice du JRFC. « Nous avons essayé de nous concentrer sur leurs besoins, sans oublier de tenir compte du contexte dans lequel évolue l’ensemble des vétérans. »
Les femmes ne représentent qu’un faible pourcentage du nombre total de vétérans au Canada, mais elles constituent la cohorte qui connaît la croissance la plus rapide. Elles sont plus susceptibles que les hommes d’être libérées de l’armée pour des raisons médicales, que ce soit pour des problèmes de santé physique ou mentale, notamment le trouble de stress post-traumatique (TSPT).
La Dre Erin Kinsey, vétérane américaine handicapée et citoyenne canadienne, est l’une des fondatrices du JRFC. Elle a découvert la thérapie par le jardinage aux États-Unis comme moyen de traiter le TSPT, et a créé le jardin en 2015, après s’être établie de façon permanente à Ottawa. Le jardin offre divers programmes thérapeutiques, dont le soutien par les pairs, le jardinage communautaire et la thérapie assistée par les animaux, sans frais pour les membres actuels et anciens des Forces armées canadiennes.
Selon Mme Kennedy, la plupart des femmes vétéranes subissent des traumatismes différents de ceux des hommes, souvent aux mains d’hommes, ce qui fait que plusieurs d’entre elles ne se sentent pas à l’aise de fréquenter des groupes de soutien.
Mme Waddington Lamont ajoute toutefois que, si elles connaissent une personne qui a recours aux services d’aide à sa retraite, elles sont plus disposées à recourir elles-mêmes à ces services.
« On me dit souvent que les gens ont entendu parler de nous par l’intermédiaire d’un ami, et je crois que c’est encore la façon dont beaucoup de femmes et de membres de la communauté 2SLGBTQ+ nous font le plus confiance », rapporte-t-elle.
« Ce que je trouve désolant, c’est que beaucoup d’entre eux reprochent à l’organisation [militaire] l’absence d’aide, ce qui leur laisse une certaine amertume à l’égard de l’organisation. Les femmes soldates restent des soldates », mentionne Mme Kennedy.
Selon plusieurs fournisseurs de services et vétérans, maintenir un sentiment de camaraderie et d’utilité contribue grandement à préserver la santé mentale des vétérans à la retraite.
« L’un des plus grands défis auxquels nos clientes font face est l’isolement social, et les problèmes de santé mentale qui l’accompagnent souvent », indique Mme Waddington Lamont.
« Lorsque des camarades interagissent entre eux, ils peuvent voir que le changement est possible, ce qui peut encourager les gens à entamer ou à poursuivre leur propre processus de guérison. »
Mme Kennedy est du même avis. « Plus d’une cliente nous a confié que nous lui avions sauvé la vie. Cela peut sembler exagéré, mais pour elles, rien n’est plus vrai. Nous sommes là pour leur montrer que tout n’est pas si noir. Il y a des gens bien et des activités qui font du bien. Nous n’essayons pas de jouer les héroïnes, mais nous nous efforçons de faire en sorte qu’une femme qui est malheureuse, qui se terre chez elle devant la télévision, interagit avec des gens et envisage son avenir avec optimisme, quel qu’il soit. »
Le Fermier Vétéran
Lorsque Greg Hill a pris sa retraite de l’armée en 2002, il pensait faire ses adieux pour de bon.
Ce n’est qu’en 2021 qu’il a découvert qu’il était admissible aux prestations d’ACC depuis sa retraite en 2002.
« J’aimerais pouvoir dire que mon histoire est unique, mais ce n’est pas le cas, et il y en a des bien pires que la mienne », mentionne M. Hill.
Heureusement, un ami qui était également un vétéran l’a orienté vers Le Fermier Vétéran : un organisme de soutien multiservice qui offre des services de soutien en santé mentale, de l’aide pour les tâches administratives ainsi que des rencontres sociales hebdomadaires. Il assure aussi un suivi continu des clients.
Son équipe a aidé M. Hill à remplir les documents nécessaires pour recevoir une indemnisation d’ACC pour une blessure liée au service, et lui a facilité l’accès à des services médicaux Depuis l’ouverture de son premier bureau au Nouveau-Brunswick en 2018, Le Fermier Vétéran a pris de l’expansion et a désormais des bureaux en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec. Un bureau en Nouvelle-Écosse devrait ouvrir cette année.
Une coordonnatrice des soins aux vétérans du bureau de Nasonworth, au Nouveau-Brunswick, affirme « ne pas avoir de mots » pour décrire ce que l’organisme représente pour ses clients.
« Nous changeons leur vie. Nous les aidons avec les programmes d’ACC et la paperasserie, en les informant des possibilités qui s’offrent à eux, car on ne leur dit pas à quoi ils sont admissibles lorsqu’ils sont libérés de l’armée. »
L’organisme vient en aide à des milliers de clients partout au pays, la plupart d’entre eux ayant subi des traumatismes liés au stress opérationnel (TSO) ou des blessures physiques.
First Nations Veterans Program
Justin Woodcock, vétéran et travailleur social, est le coordonnateur des vétérans du First Nations Veterans Program de la Southern Chiefs' Organization’s (SCO), au Manitoba.
Selon le gouvernement du Canada, les vétérans autochtones sont plus susceptibles que les autres d’avoir des problèmes de santé mentale, ainsi que d’être itinérants et isolés sur le plan géographique.
Dans une entrevue accordée à CBC News, M. Woodcock a indiqué que les expériences vécues par les vétérans autochtones nécessitaient des mesures de soutien particulières. À son avis, le soutien le plus efficace aux vétérans vient de personnes qui ont vécu des expériences similaires.
Des vétérans des Premières Nations ont conçu le programme de la SCO pour des vétérans des Premières Nations. Il offre un éventail de services, notamment la possibilité de participer à des guérisons traditionnelles, à des festins et à des cercles de partage, ainsi qu’un soutien administratif.
L’organisation commémore 33 vétérans des nations Anichinabé et Dakota sur un mur d’honneur, et elle prévoit d’en rajouter d’autres.

De nombreux vétérans subissent de l’insécurité alimentaire et la Veterans Association Food Bank de l'Alberta est là pour leur venir en aide, comme le rappelle le slogan sur les t-shirts de ces bénévoles.
Veterans Association Food Bank de l'Alberta
Outre l’absence de sentiment d’utilité ou d’appartenance, bien des vétérans libérés pour des raisons médicales peuvent aussi revivre des souvenirs d'événements traumatisants qu'ils avaient refoulés.
D’après des études menées au Canada et ailleurs, près de 80 % des vétérans qui ont subi un traumatisme lié au stress opérationnel sont susceptibles d’avoir été victimes d’événements négatifs graves pendant leur enfance.
Lorsque des sentiments accablants du passé commencent à refaire surface, beaucoup de vétérans s’isolent et sombrent dans des habitudes autodestructrices, comme la consommation de drogues et la négligence de soi. Cela fait en sorte que les taux d’insécurité financière et d’itinérance sont plus élevés chez les vétérans que dans la population générale.
« Un vétéran m’a dit qu’une fois son loyer payé, il n’avait plus les moyens d’acheter de la nourriture », indique Marie Blackburn. Cet aveu, ainsi que ceux d’autres vétérans, l’a amenée à créer la Veterans Association Food Bank à Calgary en 2018. Elle en est aujourd’hui la directrice.
« Nous devions comprendre pourquoi tant de vétérans n’avaient pas les moyens de se procurer les produits de première nécessité », explique Mme Blackburn.
Mme Blackburn a découvert qu’un grand nombre de vétérans ne savaient pas que, en plus de leur pension, ils pouvaient bénéficier d’autres mesures d’aide financière de la part d’ACC.
Présente en Alberta, en Colombie- Britannique, en Saskatchewan et au Manitoba, la Veterans Association Food Bank ne se contente pas de donner des denrées alimentaires aux vétérans et à leur famille. Elle apporte également un soutien administratif et offre un financement d’urgence pour prendre soin des animaux de compagnie des vétérans.
Au cours des six dernières années, les programmes de la banque alimentaire ont permis de sauver des centaines de vies et d’aider plus de 30 vétérans à recevoir des prestations d’ACC pour un montant total de plus de 200 000 $ chacun.
Les vétérans peuvent être réticents à demander de l’aide pour plusieurs raisons. Le fait de devoir exprimer ses besoins à des travailleurs de soutien civils, qu’ils viennent de rencontrer, peut faire en sorte que les vétérans se sentent vulnérables et exposés, en particulier si le sujet est délicat.
De plus, beaucoup de vétérans sont convaincus que leurs problèmes ne sont pas si graves, même après avoir reçu un diagnostic officiel ou avoir été aiguillés, et que les services de soutien devraient être réservés aux personnes qui en ont vraiment besoin. Toutefois, si un organisme fait preuve de compréhension, de respect et de compétence lors d’une première rencontre avec un vétéran, ce dernier recourra probablement à ses services tout le reste de sa vie. Pour bien des vétérans, il est tellement agréable de ressentir un sentiment d’appartenance et d’utilité qu’ils finissent par faire du bénévolat auprès des organismes qui leur viennent en aide.
« Un bénévole s’est présenté il y a quelque temps et a dit qu’il nous aiderait pendant une journée. C’était il y a deux ans, et depuis, il est là tous les jours », rapporte Mme Blackburn.
« Nous sommes en activité depuis six ans, et certains bénévoles sont avec nous depuis le début ».
Des services donnant un sens à la vie
Mme Waddington Lamont, du Jardin de ressourcement des femmes combattantes, reconnaît que les services de soutien peuvent contribuer à changer des vies.
« À mon avis, trouver des façons de continuer à aider les autres contribue à renforcer le sentiment d’identité et d’intégrité, et permet de maintenir des liens sociaux forts. »
Elle suggère aux vétérans qui ont du mal à trouver les bons services de soutien de faire des recherches en ligne et de demander à leurs amis ce qui a fonctionné pour eux.
Mme Blackburn, quant à elle, recommande aux militaires qui s’apprêtent à quitter l’armée de « continuer à donner à chaque instant ». Ce que l’on fait dans l’armée, c’est donner, et les vétérans doivent donc trouver un moyen de servir.
« Si vous ne donnez rien, vous ne recevrez rien en retour. »
Autres ressources pour les vétérans
Anciens Combattants Canada (ACC)
Principal organisme gouvernemental offrant un soutien complet aux vétérans, ACC propose des services de soins de santé, de l’aide avec les pensions et du soutien financier, des programmes de réadaptation et du soutien pour la santé mentale. Site Web : veterans.gc.ca Sans frais : 1-866-522-2122
Services de bien-être et moral des Forces canadiennes (SBMFC)
Les SBMFC soutiennent les militaires canadiens actifs et retraités et leurs familles, avec des programmes comme le bien-être et les services financiers, la transition de carrière, l’adhésion à UneFC, un programme pour les familles des vétérans et des services de télémédecine. Site Web : sbmfc.ca
Légion royale canadienne (LRC)
Organisation nationale qui fournit des services de défense des droits, et intérêts des vétérans et de leur famille, de soutien communautaire et d’aide pour les demandes d’invalidité et les prestations gouvernementales, la Légion gère la Campagne nationale du coquelicot, qui réunit des fonds pour soutenir les programmes, l’aide financière et la réadaptation pour les vétérans. Site Web : legion.ca/fr/accueil
Sans limites
L’initiative Sans limites des Forces armées canadiennes appuie les vétérans malades et blessés à l’aide des sports et des activités physiques adaptés. Elle supervise également les Jeux Invictus, qui ont eu lieu à Whistler, en Colombie-Britannique, cette année. Équipe Canada : sans-limites.ca
Association nationale des retraités fédéraux
Retraités fédéraux offre des services de défense des intérêts et des ressources aux employés fédéraux retraités, y compris les vétérans. Elle oeuvre dans les domaines des pensions, des prestations et du bien-être. Site Web : retraitesfederaux.ca
Wounded Warriors Canada
Mettant la santé mentale et la réadaptation physique au premier plan, cet organisme offre des programmes pour le TSPT, de la thérapie et des retraites. Site Web : woundedwarriors.ca/fr
Réseau de transition des vétérans (RTV)
Le RTV offre des programmes de santé mentale et de transition à l’échelle nationale, avec des services spécialisés pour les femmes et les vétérans francophones. Site Web : fr.vtncanada.org (pour le Québec : fqv-qvf.ca)
— Sayward Montague