La solitude : « une menace urgente pour la santé »

16 septembre 2024
Homme assis sur une chaise, regardant pensivement par la fenêtre.
Chez les aînés, la solitude est associée à une augmentation de 45 % du risque de décès, rendant ses effets comparables à ceux de facteurs de risque comme l'obésité et le tabagisme.
 

La litanie de mauvais résultats en matière de santé et de statistiques troublantes relatives à la solitude y rewarding relationships, according to the same report est un concept qu’on semble enfin comprendre à l’échelle planétaire : l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que la solitude est une menace urgente pour la santé mondiale. Le chirurgien général des États-Unis a indiqué que la solitude équivaut au fait de fumer 15 cigarettes par jour en ce qui concerne la mortalité. La solitude contribue à la démence et à la dépression et, selon un article intitulé « Loneliness in Older Adults », publié par la revue Canadian Medical Association Journal (CMAJ), près de 40 % des aînés, surtout les femmes, éprouvent de la solitude. Les personnes vivant souvent de la solitude font état d’une moins bonne santé mentale et de plus faibles taux de satisfaction en ce qui concerne leur vie en général que les personnes dont ce n’est pas le cas. De plus, la solitude est associée à l’hypertension artérielle ainsi qu’à des risques accrus de coronaropathie, d’accident vasculaire cérébral, de mortalité cardiovasculaire et de déficience fonctionnelle. Chez les aînés, elle est associée à une augmentation de 45 % du risque de décès, rendant ses effets comparables à ceux de facteurs de risque comme l’obésité et le tabagisme. 

« De récentes recherches ont révélé que les prédicteurs les plus importants de la démence sont en fait l’isolement social et la solitude », indique Namrata Bagaria, une médecin titulaire d’une maîtrise en santé publique de l’Université Harvard et candidate au doctorat à l’Université d’Ottawa. Sa thèse étudie l’isolement social chez les aînés.

À l’évidence, la solitude et le problème connexe de l’isolement social sont des préoccupations d’une ampleur gigantesque à l’échelle mondiale et la pandémie pourrait les avoir aggravées, puisque plusieurs aînés continuent à faire preuve de prudence en ce qui concerne leurs interactions sociales. 

La pandémie pourrait également avoir simplement donné plus de poids à un problème existant, puisqu’elle a attiré l’attention d’un plus vaste public sur ce problème.
 

Atténuer la solitude

Mme Bagaria mentionne qu’une cause notable de l’isolement social, qui peut aller de pair avec la solitude, est la perte auditive et qu’une solution à ce problème est donc l’élaboration de politiques rendant les prothèses auditives abordables et accessibles.
Ensuite, il faut établir un plan pour toutes les saisons, puisque la solitude peut être cyclique. Les personnes peuvent éprouver davantage de solitude l’hiver, lorsqu’il est plus difficile de sortir, par exemple.

« Cela ressemble à peu près au conditionnement physique », souligne Mme Bagaria. « Il faut préparer un plan pour chaque saison, trouver des moyens d’entrer en relation [en hiver], que ce soit par des appels téléphoniques, des messages textes ou des vidéos. Sachez que le fait d’avoir des amis ne résout pas le problème, à moins de savoir comment entretenir des liens avec eux. Il faut développer son muscle social. »

Lorsqu’elles éprouvent de la solitude, certaines personnes se tournent vers les animaux de compagnie à titre de compagnons, ces derniers apportant rarement le bagage émotionnel associé aux relations humaines.

« Si l’on peut établir un lien avec un animal de compagnie, c’est au moins un lien d’établi avec quelqu’un », indique-t-elle.
Mme Bagaria recommande également de se joindre aux clubs de loisirs communautaires locaux et de trouver des personnes partageant les mêmes points de vue avec lesquelles on peut passer du temps. Les groupes de marche en constituent un bon exemple. 

Le bénévolat est un autre moyen pour les aînés de rompre le cycle de la solitude, tout en effectuant un travail gratifiant et en trouvant des personnes partageant les mêmes points de vue avec qui faire ces activités.

« Le bénévolat est un élément important, l’une des meilleures solutions », souligne Mme Bagaria.
De plus, elle suggère de creuser dans votre passé pour redécouvrir des activités qui vous plaisaient et que vous avez abandonnées, peut-être en raison d’un emploi à temps plein, des enfants et du temps consacré à votre couple. Si vous jouiez au tennis lorsque vous étiez plus jeune, essayez-le de nouveau ou pensez au pickleball. Si l’apprentissage d’un instrument de musique ou d’une langue était une source de joie, tentez de trouver des groupes qui faciliteront ce type d’apprentissage.

Gail Low, une professeure du développement humain et social à l’Université de l’Alberta, a tout récemment terminé une étude avec plusieurs collègues. Ils ont interviewé 13 127 aînés dans les dix provinces, afin de « reconnaître, recueillir et honorer » leur sagesse. Cette étude, intitulée « Mitigating Social Isolation Following the COVID-19 Pandemic », est publiée dans la revue COVID.

« Quatre-vingt-dix pour cent des [répondants ont transmis] des messages d’espoir sur des façons d’atténuer l’isolement social à différents niveaux », mentionne Mme Low. « L’une pourrait être l’endroit où vous explorez de nouvelles pistes d’apprentissage, ou un nouveau passe-temps que vous n’aviez pas pratiqué avant la COVID-19, ainsi que de faire des sorties dans des communautés où l’on vous connaît et dans de nouvelles, peut-être du bénévolat. D’autres [répondants] attachaient beaucoup d’importance au fait d’entreprendre des interactions avec d’autres personnes. Que pouvez-vous faire pour mettre vos compétences en œuvre et aider votre prochain? »

Dans l’étude susmentionnée de la CMAJ, les auteurs indiquent que l’ordonnance sociale est une nouvelle méthode d’intervention en matière de solitude, en soulignant qu’on ne peut pas y remédier de façon efficace au moyen de médicaments ni de soins de courte durée. Le bénévolat, ainsi que l’apprentissage et les activités en groupe qui peuvent contribuer à la formation de nouvelles amitiés, figurent tous sur la liste d’ordonnances sociales que des organisations communautaires recommanderaient et pourraient même organiser.
 

Des approches innovantes

Aux Pays-Bas, une chaîne de magasins d’alimentation a décidé de s’attaquer à la solitude par l’une des méthodes qu’elle savait à sa disposition : en lançant des voies lentes aux caisses dans ses magasins. La chaîne de magasins d’alimentation néerlandaise Jumbo réagissait ainsi à la campagne de son gouvernement pour lutter contre le problème de la solitude. Mme Bagaria comprend ce concept, puisqu’elle a un ami qui a émigré au Canada il y a 40 ans, pour ses études, et la seule personne avec laquelle il passait véritablement un moment dans les premiers temps était celle derrière la caisse de son épicerie locale. Il convient de noter que le projet pilote de Jumbo a commencé avant l’avènement de la pandémie et a été couronné d'un tel succès que la chaîne a donc mis en œuvre 200 voies lentes aux caisses partout au pays.

Pendant ce temps, au Royaume-Uni, en 2018, la première ministre à l’époque, Theresa May, qualifiait la solitude comme étant « l’un des grands problèmes de notre époque ». Elle a créé le premier ministère au monde chargé de lutter contre la solitude. En 2021, le premier ministre japonais de l’époque, Yoshihide Suga, est allé plus loin en nommant un ministre de la Solitude au sein de son cabinet.

Royal Mail, au Royaume-Uni, a mis en œuvre une stratégie pour lutter contre la solitude, selon laquelle les employés des postes livraient le courrier avec « de la compassion en accompagnement », comme une publication commerciale l’a formulé. Dans le cadre de cette initiative sûre et sociale, les employés de Royal Mail passaient voir comment allaient les personnes auxquelles ils livraient le courrier. Les postiers posaient quelques questions, consignaient les réponses et une organisation locale de bénévoles effectuait un suivi auprès des personnes dont les réponses évoquaient un besoin de compagnie. Les services postaux en Finlande et en Islande ont mis en œuvre des programmes semblables.
 

La qualité des relations

Il est important de noter que ce ne sont pas seulement les personnes qui vivent seules ou passent beaucoup de temps seules qui souffrent de solitude, selon Frederick Grouzet, professeur associé de psychologie à l’Université de Victoria.

« Être entouré peut n’avoir aucune incidence sur le sentiment de solitude », explique M. Grouzet. « Il s’agit plutôt du sentiment d’être en relation et de sentir que cette personne se soucie de vous et que vous vous souciez d’elle. » Nous avons tous des besoins psychologiques fondamentaux et l’un d’entre eux est ce sentiment d’appartenance véritable. Si ce besoin n’est pas satisfait, nous éprouverons des symptômes dépressifs, anxieux, et même physiques.

M. Grouzet a mentionné que lorsque nous sommes victimes d’un rejet social, le sentiment est transmis dans la même zone du cerveau qui traite la douleur physique ressentie. « C’est comme un coup de poing dans l’estomac. »

Pour les personnes soupçonnant leurs amis de souffrir de solitude, M. Grouzet suggère de reprendre tranquillement des interactions sociales positives avec eux. « Vous pourriez leur proposer de vous réunir une fois par semaine, puis deux fois par semaine et ainsi de suite », explique-t-il. « N’oubliez pas que ce n’est pas la quantité de temps qui compte, mais la qualité. » 

Comme les autres experts, il recommande également le bénévolat, puisqu’il a des incidences positives pour la personne qui reçoit le soutien social, mais aussi pour le bénévole.

Il propose également de rétablir des liens avec des amis de longue date dont vous vous êtes éloigné.

« Cela peut s’avérer très favorable », mentionne-t-il, en ajoutant que de chercher ces amis ou collègues de longue date sur les réseaux sociaux afin de rétablir les liens peut en valoir la peine.


Qu’est-ce que la solitude? 

Le vécu de la solitude est subjectif et se caractérise par la détresse présente lorsqu’une personne perçoit ses relations sociales comme étant moins satisfaisantes que ce qu’elle souhaiterait, selon un rapport du gouvernement du Canada, intitulé Isolement social des aînés. Même les personnes âgées actives et mariées ou qui vivent en colocation peuvent éprouver de la solitude.


Qu’est-ce que l’isolement social?

L’isolement social est défini comme le fait d’avoir peu de contacts et de piètre qualité avec autrui, ce qui signifie qu’une personne a peu de relations sociales et de rôles sociaux et n’a pas de rapports mutuels gratifiants, selon le même rapport.

 

Cet article a été publié dans le numéro du l'automne 2024 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?