Sur les ailes d'un siècle de service

27 septembre 2024
Un hélicoptère CH-146 Griffon de l'Aviation royale canadienne décolle.
Un hélicoptère CH-146 Griffon de l'Aviation royale canadienne décolle de l'île d'Olotayan lors de l'opération Renaissance, pour offrir de l'aide humanitaire aux Philippines en 2013. Photo : Caporal-chef Marc-André Gaudreault, Caméra de combat, Forces canadiennes
 

L’Aviation royale canadienne (ARC) célèbre son 100e anniversaire. Mais son histoire remonte à quelques années auparavant, alors que le monde était en guerre. 

« Nous n’avions pas vraiment d'avions canadiens pendant la Première Guerre mondiale. Ce que nous reconnaissons comme toute première unité de l’aviation militaire canadienne a été un corps d’aviation canadien », explique Bill March, membre de l'Association, major à la retraite après 42 ans dans l’ARC, et spécialiste de la guerre anti-sous-marine. Le dernier livre de cet historien de l'armée de l'air, On the Wings of War and Peace : The RCAF during the Early Cold War, a été publié l'an dernier. 

Le Corps d’aviation canadien (CAC) a existé environ un an. La Force aérienne canadienne naissante lui a succédé et est devenue l’ARC en 1924. 

C’était « un très petit cadre de gens ordinaires, la plupart d’entre eux [étaient] des employés à temps partiel exploitant l’expérience que nous avions acquise pendant la Première Guerre mondiale, et ils ont en quelque sorte cheminé jusqu’en 1924. Avant de devenir l’ARC, il y a donc eu une bonne décennie d’histoire de l’aviation militaire. » 

Cette histoire majestueuse, ambitieuse, tragique et héroïque ne peut être rendue en quelques pages, mais lorsque M. March présente l’histoire de l’ARC à des groupes, il parle de cinq « grands thèmes » pour résumer son long parcours. Le présent article utilisera ces thèmes pour donner un modeste aperçu des réalisations passées et présentes de l’ARC pour le Canada. 
 

1. Assistance en cas de catastrophe 

« Depuis 100 ans, nous avons répondu, d’une manière ou d’une autre, à ce genre de problèmes », précise M. March, qui vit à Trenton, en Ontario. 

Même avant la Deuxième Guerre mondiale, l’ARC jouait un rôle essentiel de repérage de feux de forêt, alors que son personnel se trouvait dans les airs « à faire de la cartographie, des relevés   aériens, et bien d’autres choses. Nous aurions, dès le début, transporté de petites équipes pour aider à combattre les incendies et d’autres situations. » 
La portée des interventions a augmenté au fil des décennies, tant en raison des besoins que des capacités. 

« Cela dépendait vraiment de notre effectif et de notre capacité en tout temps, selon les tâches que nous faisions bien », précise M. March. Après la Deuxième Guerre mondiale, « c’est vraiment devenu une responsabilité primordiale. À partir de 1946 environ, vous commencez à nous voir développer une capacité de recherche et de sauvetage. » 

Comme la Force aérienne a obtenu « des avions de transport plus performants, du North Star au vieux Flying Boxcar, en passant par le Hercules », elle pouvait tout autant évacuer plus de gens des zones sinistrées que livrer plus d’équipement, d’articles et de personnel nécessaires de toute urgence dans ces zones. 

« Comme le climat se détériore, que nous avons de plus en plus de feux de forêt et que les risques de catastrophes se multiplient, c’est devenu une exigence grandissante pour les Forces canadiennes. » 
 

2. Bâtir notre nation 

Le Canada a une longue frontière avec les États-Unis et plus de littoraux que tout autre pays. La protection de la souveraineté sur les côtes est et ouest comprend des patrouilles de pêche ou de pollution ou qui « gardent simplement un oeil sur ce qui se passe », dit M. March. 

Le Nord présente une situation différente, car même nos autres alliés les plus proches ne s’entendent pas avec nous au sujet des eaux nationales ou internationales. 

« Au bout du compte, si nous les revendiquons et y plantons notre drapeau, nous devons alors être en mesure de les surveiller d’une manière ou d’une autre », lance M. March. 

Aujourd’hui, la cartographie est principalement réalisée à partir d’« objets spatiaux », mais M. March souligne que « pendant les deux tiers de l’histoire de la Force aérienne, d’avant 1920 ou 1924 jusqu’au début des années 60, l’ARC fournissait des photographies aériennes, des cartes aériennes, et ainsi de suite, alors que le gouvernement en venait essentiellement à comprendre, apprécier et cartographier tout le territoire que nous avions réellement ». 

Il ajoute que plus de membres de l'ARC sont morts et plus d'avions ont été perdus au service des Canadiens à l'intérieur de nos frontières qu'au combat. 
 

3. Élément du pouvoir national à l’étranger 

« Un jour, j’ai fait l’addition. Si vous examinez les 100 ans d’histoire de l’ARC, pendant 28 de ces années, d’une manière ou d’une autre, des éléments sont allés au combat », décrit M. March. 

L’ARC a combattu cinq fois depuis les années 90 et la fin de la guerre froide, dit M. March, citant la guerre du Golfe, la campagne aérienne du Kosovo, l’Afghanistan, la campagne libyenne et, plus récemment, la lutte contre Daech (État islamique) au Moyen-Orient. 

Depuis l'effondrement de l'Union soviétique, « nous nous sommes plus battus […] que nous ne l'avions jamais fait lorsque l'Union soviétique existait. Pour moi, c'est là un type de faits intéressant que la plupart des Canadiens n'apprécient pas. » 


 

A group of pilots of No. 1 Squadron RCAF, gather in front of a Hawker Hurricane Mark I

A group of pilots of No. 1 Squadron RCAF, gather in front of a Hawker Hurricane Mark I at Prestwick, Scotland, in 1940. Photo: Stanley Arthur Devon
 

4. Exemplification des valeurs canadiennes 

Selon M. March, ces valeurs canadiennes sont « générales plutôt que précises ». Il laisse entendre qu’elles comprennent les « aspects fondamentaux » de l’inclusion, de la primauté du droit et du « soutien à son voisin ». 

Au fil des décennies, l’ARC a fourni ou transporté des militaires et d’autres personnes pour contribuer à surveiller des élections, à évacuer des réfugiés « et à faire ce qui est possible pour atténuer le sentiment d’hostilité et de conflit qui, selon les gens, croît partout dans le monde ». 

« Dans tout cela, l’idée est d’être un bon voisin », rappelle M. March. « Même si le Canada ne peut pas fournir de forces majeures, parce que nous n’avons plus les effectifs requis, le fait que nous soyons prêts à participer, que ce soit avec un ou deux avions, ou un corps de personnel formé, fait une différence. » 

Répétons-le, le coût pour les vies et les ressources canadiennes a été élevé pendant la majeure partie de l’histoire de  
l’ARC. M. March rappelle que, depuis la Deuxième Guerre mondiale, les missions de maintien de la paix ont été plus meurtrières pour le personnel et plus destructrices pour les avions que les situations de combat. 
 

5. Défendre le Canada et l’Amérique du Nord 

Les mots clés pour décrire l’ARC au cours de ses 100 premières années sont la flexibilité, l’adaptabilité et la polyvalence, toutes requises pendant un siècle de constante évolution. 

« Pour l’ARC, il n’y a pas de temps d’arrêt », dit M. March. 

Il souligne les énormes fluctuations dans les rangs de l’ARC, d’environ 5 000 membres au début de la Deuxième Guerre mondiale à « près d’un quart de million de membres » à la fin de la guerre. Aujourd’hui, les rangs comptent 13 500 personnes et 2 000 réservistes, environ. 

« Nous fluctuons selon un certain nombre de facteurs différents, habituellement la menace ou une menace perçue contre le Canada ou le monde occidental, mais aussi selon les priorités du gouvernement. » 

La défense, enchaîne-t-il, a parfois été une priorité pour les gouvernements canadiens, mais généralement pas. 

« Nous sommes en quelque sorte chanceux, avec notre géographie et le fait d’avoir un très puissant voisin, très doté sur le plan militaire, au sud », dit M. March, poursuivant son explication. 

En parallèle à l’évolution de la technologie, les menaces potentielles ou perçues du Canada doivent s’adapter. De plus en plus, les menaces sont associées aux missiles hypersoniques ou aux « véhicules aériens sans équipage », tous ces « éléments de la technologie qui permettent à quelqu’un de nous atteindre et de nous toucher plus facilement quand nous ne le voulons pas », continue de préciser M. March. 

La direction d’où les menaces peuvent provenir s’est également élargie, à son avis. Comme il le rappelle, le Nord canadien a « toujours été une zone opérationnelle importante pour l’ARC tout au long de la Deuxième Guerre mondiale et de l’après-guerre, en raison du Système d’alerte du Nord, de NORAD et ainsi de suite, mais en raison de la fonte des glaces et de l’ouverture potentielle du passage du Nord-Ouest, nous connaissons une croissance de nos responsabilités là-haut. »


Alan McLeod.


« L’incroyable histoire » d’Alan McLeod 

Sept membres de l’ARC ont reçu la Croix de Victoria, la plus insigne distinction du Commonwealth pour « bravoure face à l’ennemi ». L’historien de l’armée de l’air Bill March cite « l’incroyable histoire » du sous-lieutenant Alan Arnett McLeod, de Stonewall, au Manitoba, comme exemple de ce courage. 

Le 27 mars 1918, « McLeod a été attaqué à une altitude de 5 000 pieds par huit avions allemands », selon un compte rendu sur canada.ca. « […] son observateur, le lieutenant Alex Hammond, en avait abattu trois... McLeod avait été blessé cinq fois lorsqu’une balle a percé le réservoir de carburant et y mit le feu. McLeod est sorti du cockpit et a piloté l’avion du côté gauche du fuselage, permettant à [Hammond] de continuer à tirer. Lorsque l’avion s’est écrasé dans le « no man’s land », Hammond avait été blessé six fois… Malgré ses propres blessures et l’éclatement d’une bombe près de lui, McLeod a traîné Hammond loin de l’avion en feu avant de s’effondrer à cause de l’épuisement et de la perte de sang. 

Survivant à ses blessures, McLeod a succombé à la grippe espagnole six mois plus tard. Hammond a vécu jusqu’en 1959. 

Lire les histoires des six autres récipiendaires de la Croix de Victoria de l’ARC.

 

Cet article a été publié dans le numéro du l'automne 2024 de notre magazine interne, Sage. Maintenant que vous êtes ici, pourquoi ne pas télécharger le numéro complet et jeter un coup d’œil à nos anciens numéros aussi?