À l'aube de 2023, Retraités fédéraux discute du paysage politique et de ce que cela signifie pour les objectifs de défense des intérêts de l'Association.
L'année dernière devait être fructueuse pour certaines des priorités de Retraités fédéraux, à savoir l’assurance-médicaments, les normes de soins de longue durée et les augmentations de la Sécurité de la vieillesse, pour n'en nommer que quelques-unes. Et pourtant, nous attendons toujours que plusieurs de ces « récoltes » fédérales mûrissent pleinement.
« L'année 2023 sera une année chargée pour l'Association nationale des retraités fédéraux », déclare le DG de l'Association, Anthony Pizzino. « Et non pas seulement parce que c'est la soixantième année que l'Association défend les intérêts de ses membres et des personnes âgées. Cette année, nous prêterons aussi attention à la possibilité d'une élection fédérale en 2024. Le moment est venu d'exiger que les politiciens qui ont fait des promesses sur ces priorités les tiennent. »
Normes sur les soins de longue durée
Aux premiers stades de la pandémie, les libéraux du gouvernement fédéral ont promis d'élaborer des normes nationales pour les soins de longue durée (SDL). Ces normes ont été rédigées et ont fait l'objet de consultations. Elles devaient être présentées en décembre 2022. Les Canadien·ne·s attendent toujours. Pourtant, au moins une experte est optimiste quant à l'issue de ce dossier.
Susan Braedley, professeure agrégée à l'école de travail social de l'Université Carleton, se dit généralement satisfaite des normes qu'elle a vues jusqu'à présent, qui devraient être publiées au premier trimestre de 2023.
Elle aime le fait que 18 500 personnes ont été consultées et que les membres du groupe de travail technique chargé d'élaborer cette stratégie se divisaient comme suit : un tiers de travailleur·euse·s de première ligne, un tiers de résident·e·s et de membres du personnel soignant en établissement, et un tiers de chercheur·e·s comme elle. Elle apprécie également le langage inclusif utilisé. Selon elle, les normes encouragent les « soins culturellement appropriés et culturellement sûrs » et tiennent compte des besoins des personnes homosexuelles, des immigrant·e·s et des autochtones.
« La composition du comité est une véritable réussite », de dire Mme Braedley. « Et le comité mérite notre respect pour les efforts qu'il a déployés. Je suis assez optimiste quant au fait que de nombreux éléments clés ont été inclus. »
« Pour les défenseurs et les partis d'opposition, c’est là une merveilleuse possibilité », dit-elle. « Cela nous donne un moyen d'évaluer, et c'est aussi un outil pour les prestataires individuels. Il donne aux organisations la possibilité de communiquer avec le public. »
Les libéraux ont également promis une loi sur la sécurité des soins de longue durée dans leur programme, mais on n’en a pas réentendu parler depuis.
« Une loi sur la sécurité des soins de longue durée a été promise lors des élections fédérales de 2021, et nous n'avons constaté aucun progrès à ce sujet », déclare Sayward Montague, directrice de la défense des intérêts de Retraités fédéraux. « Les Canadiens, en particulier ceux qui ont été les plus touchés par la pandémie et qui ont perdu des êtres chers en raison des conditions horribles qui régnaient dans les établissements de SLD, ne l'ont pas oublié. »
Pour ce qui est des SDL, Mme Braedley et Patrik Marier, un professeur de sciences politiques de l'Université Concordia spécialiste des enjeux des personnes âgées, se disent tous deux préoccupés par la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. M. Marier est directeur scientifique à la régie régionale de la santé de l'ouest de Montréal, qui compte actuellement 130 postes de travailleurs sociaux non pourvus. Mme Braedley précise qu’un nombre moindre de personnes souhaitent travailler comme préposées aux services de soutien à la personne dans le domaine des SLD. Elle affirme aussi que la plupart des établissements de SLD ont également besoin de plus d'infirmières.
Pensions
Depuis juillet 2022, les personnes âgées de plus de 75 ans bénéficient d’une hausse de 10 % de leurs prestations de Sécurité de la vieillesse. Les critiques, dont Retraités fédéraux fait partie, soutiennent que cela a créé un système à deux niveaux pour les personnes âgées, car celles âgées de 65 à 74 ans n'ont pas reçu cette augmentation
Selon M. Marier, l'indexation sera un enjeu important pour les défenseur·euse·s des droits en 2023 et par la suite. Pour les personnes âgées de plus de 75 ans, l’augmentation est adéquatement indexée. Toutefois, celles de 65 à 74 ans sont laissées pour compte.
« Cela a laissé de côté toute une cohorte d'adultes plus âgés, dont certains ont un besoin urgent d'aide financière, alors même que nous subissons des niveaux d'inflation record », souligne M. Pizzino. « Ce que nous devons voir, c’est une augmentation à la SV pour les personnes qui en ont le plus besoin, et en particulier au Supplément de revenu garanti, qui touche les gens particulièrement vulnérables financièrement. »
Assurance-médicaments
Après la parution du rapport Hoskins (Une ordonnance pour le Canada : l’assurance-médicaments pour tous), la pandémie a frappé et l'assurance-médicaments est passée au second plan. Mais en 2022, les libéraux ont conclu un accord avec le NPD, selon lequel ils resteraient au pouvoir jusqu'en 2025 s'ils mettaient sur pied certains programmes, dont l'assurance-médicaments. Et pourtant, à l'heure actuelle, ce programme est une priorité en veilleuse pour les libéraux.
L'Île-du-Prince-Édouard a accepté l'offre du gouvernement fédéral en matière d'assurance-médicaments. Cela représente un certain progrès, selon Marc-André Gagnon, professeur agrégé à l'Université Carleton et spécialiste des politiques pharmaceutiques. Et le gouvernement va également de l'avant en dressant une liste nationale des médicaments qui seront remboursés.
Selon M. Gagnon, pour être menée à bien, l’élaboration de cette liste exige une grande collaboration. Ce qui n'est pas le cas actuellement.
« Dès qu'elle sera en place, le gouvernement fédéral offrira de payer tous les médicaments essentiels », dit M. Gagnon. « Et chaque province pourra encore offrir une protection supplémentaire. Pour les provinces, il sera difficile de refuser cette entente, mais elles se traînent les pieds, parce que [la santé est du ressort provincial].
Même dans le cadre d'un régime d'assurance-médicaments, en plus des provinces, les employeurs privés pourront aussi offrir une protection et une assurance supplémentaires pour les besoins non pharmaceutiques, comme la physiothérapie et l'équipement pour aider les personnes âgées à vieillir chez elles.
Malgré tout, M. Gagnon reste optimiste quant à l'entrée en vigueur de ce système d'ici 2025. Il n'est même pas certain que le régime succomberait en cas de victoire des conservateurs de Pierre Poilievre contre les libéraux.
« C’est la bonne politique », dit M. Gagnon. « Quand on regarde la littérature, c'est très noir et blanc. À l’heure actuelle, le système du Canada est illogique. Nous avons beaucoup de problèmes liés à l'augmentation des coûts des médicaments. D’une manière ou d’une autre, des réformes majeures s’en viennent. Le système n'est pas viable [en l’état actuel]. »
Enjeux liés aux vétéran·e·s
L’année 2022 s’est traduite par bien peu de gains pour les vétéran·e·s. Au printemps, les libéraux ont alloué 140 millions de dollars afin d'embaucher du personnel temporaire pour traiter les demandes de prestations des vétéran·e·s. Toutefois, il y a toujours quatre mois d'attente, bien que ce soit une amélioration par rapport aux 10 mois d'attente qui existaient lorsque les fonds ont été promis. Les services de santé mentale, qui ont reçu un feu vert pour être couverts en 2022, connaissent actuellement un délai de traitement de sept mois.
Rachel Blaney, députée néo-démocrate qui siège au Comité permanent des vétérans et porte-parole de son parti pour les dossiers relevant d’Anciens Combattants Canada, affirme que l'un des problèmes est le manque de données permettant de comprendre l'origine des goulots d'étranglement.
« Nous ne cessons de voir des ressources être consacrées à ce problème, mais sans constater que les vétérans obtiennent le véritable soutien dont ils ont besoin », dit Mme Blaney.
Publié en 2022, un rapport du comité sur la prestation des services formulait des recommandations que le gouvernement a acceptées.
« L'une des recommandations que [les libéraux] n'ont pas acceptées concernait le nombre de travailleurs temporaires embauchés pour combler les lacunes », explique Mme Blaney. « Alors que le directeur parlementaire du budget nous a clairement indiqué, il y a plus d'un an, qu’il fallait des postes permanents pour rattraper le retard accumulé. »
Outre cela, Mme Blaney dit qu'elle constate que les chiffres diffèrent. Selon le rapport de la vérificatrice générale, les délais d'attente atteignent 39 semaines, alors que la norme de service est de 16 semaines.
Notre programme pour 2023
Le régime d'assurance-médicaments, la réduction des délais d'attente pour les demandes de prestations des vétéran·e·s, les normes nationales en matière de soins de longue durée, l'indexation adéquate des pensions publiques et une stratégie nationale pour les personnes âgées représentent tous des dossiers que Retraités fédéraux surveillera assidûment pour l'année à venir.